Il y a des gens que les crèches embêtent. Alors, de plus en plus, elles doivent se faire discrètes, se cacher dans le coin d’un porche d’église ou derrière les rideaux d’une maison privée. Il y a bien encore quelques endroits où elles envahissent l’espace public mais cela ne va plus durer, on enverra si nécessaire les flics pour les démonter.
Chez nous à Nivelles, la crèche ne dérange personne. Elle est planquée dans une des entrées de la Collégiale derrière une lourde grille fermée à double tour. Pour protéger le petit Jésus, ses parents, les anges, les rois mages, les bergers et les moutons. Ou alors, peut-être, pour qu’aucun de ces santons – le roi black surtout – n’aille f….. le b….. en ville. La laïcité aussi doit être protégée !
Moi, ça m’attriste un peu tout cela. Je n’ai jamais compris ce qui dérangeait dans cette représentation en réalité plus traditionnelle que religieuse. Au contraire, je pense même que ce symbole d’accueil serait le bienvenu partout en cette période de vacances de Noël. Ah oui, pardon, on ne peut plus dire ça, cette période s’appelle désormais vacances d’hiver. En décembre 2014, j’avais écrit un petit conte de Noël sur ce sujet. Je le publie à nouveau ci-dessous.
Crèche de No… euh non, de fin d’année
Il neigeait à gros flocons et une bise glaciale soufflait dans les rues désertes de la grande ville en cette nuit du Solstice d’hiver, vous savez cette nuit froide qu’on appelait jadis la Nuit de Noël.
Un homme courbé sous un sac à dos pesant et tenant à bout de bras deux grands cabas en plastique apparemment aussi lourds marchait devant une jeune femme maigre comme un clou mais dont le ventre était rond comme un ballon de football. Enveloppée dans une vilaine couverture, la pauvrette grelottait malgré l’écran de protection contre les rafales que formait son compagnon. Il faut dire qu’il n’était pas, lui non plus, plus épais qu’un sandwich SNCF comme l’aurait chanté Renaud.
Le couple misérable longeait les murs sans trop savoir où aller. On aurait dit qu’il suivait les rares lampes LED clignotantes suspendues aux façades. Jadis, cette nuit-là, quand on l’appelait encore la Nuit de Noël, il y avait partout des décorations lumineuses et colorées qu’on nommait guirlandes. L’homme levait de temps en temps les yeux vers le ciel, les essuyait du revers de sa veste sale et trempée, et scrutait la noirceur comme s’il y cherchait quelque chose. Un signe ? Une indication ? Une direction ?
Soudain, son visage s’est éclairé. Sur la pointe du toit de la Mairie de la Ville, scintillait une croix à cinq branches, vous savez ce qu’on appelait jadis une Étoile de Noël. Il accéléra alors le pas, sa femme le suivant tant bien que mal, pour se diriger vers le porche d’entrée de la Mairie. Il monta les escaliers, et dans un petit coin bien à l’abri de la nuit froide, juste sous l’étoile brillante, il installa son barda pour que sa belle puisse enfin se reposer.
Mais après même pas cinq minutes, la porte de la Mairie s’ouvrit brusquement et un homme en sortit éructant : « Il est interdit de rester ici, dégagez, les crèches ne sont plus autorisées dans les espaces publics ». Les cris de l’individu alertèrent des voisins qui émus par le désarroi du couple lui ouvrirent LEUR porte : « Venez vous réchauffer, nous allons allumer un feu de bois dans la cheminée. Il n’y a quand même plus de vieux bonhomme qui passe par là, la nuit du 24 décembre. »
Quel vieux bonhomme ? Mais oui, vous savez, ce type à barbe blanche qui venait jadis déposer des cadeaux dans les chaussures au pied des cheminées, sous le sapin, près d’une crèche. Mais oui, vous savez, cette nuit magique qu’on appelait alors Nuit de Noël. (Michel Collart – Décembre 2014)