Archives mensuelles : octobre 2015

Du talent svp

J’ai passé quasi toute la semaine avec plus ou moins 150 étudiants en communication de l’UCL et de la HELHa concentrés sur un projet mêlant la musique, la liberté d’expression, la diversité, la solidarité, l’amitié et une série d’autres concepts connexes riches en émotions mais au vocabulaire souvent peu séduisant. Objectif : rendre ces notions vivantes, vibrantes, touchantes. J’ai vu quelques bonnes idées, mais surtout beaucoup de lourdeurs et de banalités. Je suis donc épuisé ce vendredi soir quand je reprends le volant pour rentrer à la maison.

Pour me redonner du tonus, j’ai glissé le dernier album In extremis de Francis Cabrel dans mon lecteur CD. Et la magie opère, l’artiste et ses chansons magnifiques, entendues pourtant déjà des centaines de fois, me recoiffent le moral comme aurait dit Jacques Dessanges.

Les mélodies, les riffs et les tempos me font dresser non pas les cheveux sur la tête – je n’en ai presque plus – mais les poils sur les bras et mon pied a envie de battre la mesure sur la pédale d’accélérateur, mais je me retiens, ce ne serait pas prudent de la confondre avec celle d’une grosse caisse de batterie. Quant aux paroles, elles sont tout simplement sublimes, percutantes et poétiques. Elles vous emportent. Vous transportent.

Durant toute la semaine avec nos étudiants, nous avons tourné, touillé et cafouillé autour du sujet. Et là, en quatre strophes, la fragilité et la puissance de la liberté d’expression sont admirablement fredonnées, murmurées, susurrées. Envoyées directement en plein cœur de l’auditeur : « Malgré la ronde des vigiles qui veillent au silence absolu – il reste un murmure fragile comme un refrain défendu – qui vibre au cœur de chaque pierre comme un reproche lointain – tenace comme le lierre et qui nous dit d’où l’on vient ». Et à la fin de la chanson, les chœurs m’entraînent et je me surprends à chanter avec eux la mélodie ad lib.

Dieu, que la communication est belle quand elle a du talent.

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J’ai mangé un mur

Qu’est-ce qu’on peut encore manger ?

Hier aux infos, on apprenait que la viande rouge et la charcuterie sont cancérogènes. On savait déjà que le poisson contient du mercure, que les légumes et les fruits sont pleins de produits chimiques, que le pain du supermarché vient de Pologne et que son transport vers la Belgique produit de la pollution, que… pfff. Il ne reste plus qu’à nous inscrire aux Weight Watchers.

Ce midi donc, l’appétit coupé, comme je n’avais pas envie de me remplir le ventre, j’ai préféré aller me nourrir l’esprit à la bibliothèque de Nivelles. Et là, le hasard m’a confronté à une formidable orgie de bouffe, une superbe expo de photos – souvent indigestes – dans la grande salle du Centre Culturel.

Sous le titre Manger un mur, sont présentés une vingtaine de clichés imprimés en très grand format. Chacun exprime un regard sur le thème, vaste et vague, de l’alimentation. De la culpabilisation de notre manière de « bouffer » … à l’émotion de la solitude d’un homme prenant un maigre repas dans un snack de New York (une photo qui fait penser aux tableaux d’Edward Hopper), quelques images m’ont noué l’estomac.

Manger un mur (jusqu’au 6 nov au CNN à Nivelles) je vous le recommande, c’est bon pour la santé mentale.

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Photo extraite de la série Another day in paradise – Mike Mellia

Un coeur sur mon chemin

Oui d’accord, le Coeur d’Havré est un peu kitch. Et alors ? Moi, j’aime bien.

Je préfère, en effet, ce cœur rouge aux vilains menhirs de béton dressés vers le ciel que j’ai vus plus tôt ce matin à une entrée d’autoroute. Je préfère ce cœur rouge aux immondes poteaux – sculptures (?) métalliques bleus criards qui m’agressent le regard quand j’entre dans ma Nivelles bien-aimée. Je préfère ce cœur rouge aux nombreux ronds-points abandonnés aux herbes folles jonchées de détritus et de cannettes vides.

Tiens puisque je parle de cannettes, il a fallu en recycler 40.000 pour réaliser cette sculpture amoureuse à l’entrée de Mons, en plein bois d’Havré. Il s’agit, en effet, d’une œuvre d’art dédiée à la protection de la nature. Et à l’amour. Ce grand cœur rouge dit je t’aime aux arbres somptueux qui l’entourent et à chaque automobiliste qui passe à ses côtés.

Et moi, je l’avoue, j’aime qu’on me dise je t’aime. Surtout le lundi matin quand je me rends à l’école et qu’un ou plusieurs automobilistes m’ont déjà manifesté leur mauvaise humeur. Oui, moi j’aime ça, un cœur géant et kitch sur mon chemin. Je sais, je suis un romantique.

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Médocs

Chaque matin, comme bien d’autres de mon âge, il me faut avaler quelques pilules pour fluidifier, contrôler, prévenir ou encore traiter. Des trucs physiques : sang, cœur, ventre, articulations. Mais ouf, pas encore le tête. Quoique.

Quoique j’essaie de la soigner quand même en prenant chaque jour quelques lignes – pas de cocaïne – mais de Ricard (Mathieu pas Paul) pour la remplir de couleurs. Et de Baudelaire parce que je suis normal et que je développe parfois des idées noires.

Alors voici la pensée noire lue ce matin dans les pages du grand Charles : « Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons… »

Et la pensée rose sortie du « Plaidoyer pour l’altruisme » de Mathieu Ricard : « Deux loups se battent en toi comme en tous les hommes. Un mauvais qui n’est que haine et égoïsme et un bon qui est amour et tolérance… » Mais lequel va gagner, s’interroge-t-on ?

« Celui que tu nourris. » répond le Sage.

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Dimanche hallucinogène

Il ne pousse pas que des patates et des salades dans mon jardin.

Quand vient l’automne, bien camouflés dans les feuilles tombées du cerisier, on peut trouver des champignons, dont quelques amanites tue-mouches. À n’avaler sous aucun prétexte ! Sauf si on veut se défoncer. Je n’ai jamais essayé mais j’ai lu que dans certaines cultures, on consomme parfois ce champignon pour ses vertus hallucinogènes. Mais il faut avoir l’estomac solide et une bonne dose de chance car il peut rendre très malade, voire être mortel. On raconte que jadis, on le donnait à croquer à l’idiot du village dont on buvait ensuite l’urine pour profiter des effets dopants et planants sans aucun risque.

Moi, je me contente de le photographier, de le contempler et de rêver tranquillement en buvant une Chimay, assis sur le banc en dessous de l’arbre. Mais je me demande si je n’ai pas été touché par quelques ondes hallucinogènes car il me semble avoir aperçu un Schtroumpf dans les parages.

Ou alors, ce sont les effets de la Chimay bleue ?

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Vous avez dit mélancolie ?

Hier soir, j’ai été légèrement tarabusté par le commentaire d’un ami suite à mon billet évoquant ma jeunesse au Collège de Nivelles et mon impatience ainsi que ma joie de retrouver ce samedi mes copains d’alors, cinquante ans plus tard. Mon copain Daniel me conseillait, avec son humour parfois grinçant, de prendre un serlain afin de soigner ma mélancolie et mon état dépressif. Rien de méchant, j’ai même souri devant mon ordi… mais un peu jaune.

Aujourd’hui, en effet, parler du passé est quasi toujours perçu comme suspect. Suspect de mélancolie de vieux ringard. Suspect de tremblote face à l’avenir. Ou pire, suspect de nostalgie réac.

J’ai hésité à écrire ce billet, ce petit commentaire n’était rien d’autre qu’un clin d’œil anodin. Mais le mot « mélancolie » est resté scotché comme un chewing gum dans un coin de ma tête toute la journée. Une journée magnifique passée avec mes anciens condisciples, dont certains que je n’avais plus vus depuis la sortie de nos humanités. Et qu’est-ce que nous avons fait ? On a, bien sûr, évoqué le passé et regardé quelques vieilles photos. Mais nous avons surtout ri, bu du bon vin, parlé de nos activités actuelles, discuté de nos enfants et petits enfants, raconté de bonnes blagues, oublié nos « tamalous ».

Quand je suis rentré à la maison, j’étais quand même toujours un peu troublé par le serlain que je n’avais pas absorbé. Je suis donc allé voir dans mon dictionnaire de citations au mot « souvenir ». J’y ai trouvé cette phrase magnifique de Federico Garcia Lorca : « Rien n’est plus vivant qu’un souvenir ».

Et le chewing gum s’est décollé.

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J’avais 17 ans…

J’avais 17 ans et toutes mes dents, et déjà un petit sourire arrogant. C’était en septembre 1965, j’entrais en rhéto au Collège Sainte-Gertrude de Nivelles. 17 ans… purée ! 50 ans déjà, un demi-siècle, non mais allo quoi, j’hallucine. Les Beatles venaient de sortir à la fin de l’été leur mythique Help , une chanson fondatrice, un souffle nouveau, un air qui aura toujours un parfum particulier pour moi, même si ses paroles ne me touchaient pas vraiment à l’époque. Je n’avais alors, du moins je le croyais, besoin de personne … et surtout, je l’avoue, je n’étais pas fortiche en anglais, je ne comprenais donc pas tout. Et quelques mois plus tard, les mêmes Beatles sortiront Paperback writer, une chanson qui signifie beaucoup pour moi qui ai eu la chance de faire de ma passion de l’écriture mon métier.

Pourquoi je vous parle de ça ? Parce qu’en rentrant de l’école ce soir, j’ai entendu Help à la radio et me suis dit que décidément, il n’y a pas de hasard. Demain, en effet, les anciens de notre classe de rhéto se retrouveront pour fêter le cinquantième anniversaire de leur dernière rentrée au Collège. Certains ne seront pas là, pour la bonne et simple raison qu’ils sont déjà partis, qu’ils ont déjà pris leur Ticket to ride pour la destination où nous finirons tous par nous retrouver.

Demain, les amis, Help me résonnera dans la tête quand je vous retrouverai, surtout ces paroles : «… and I do appreciate you being’around ».

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Leçon

– Est-ce que Mamie a pleuré ?

– Oui, Awen, elle a eu très mal quand elle est tombée et aussi après son opération

– Et maintenant, elle se sent comment ?

– Elle souffre beaucoup moins, on lui a mis trois broches – comme des clous – dans le poignet pour solidifier son os cassé, elle devra prendre patience pendant six semaines avant qu’on les lui enlève

– Ils ne vont pas rouiller quand même ?

– Non, c’est du métal spécial pour les soins médicaux

– Et elle ne peut rien faire avec sa main, alors ?

– Non rien du tout

– Même pas allumer la télé ?

– Si, ça elle peut faire, mais pour le reste rien, c’est moi qui doit m’occuper de tout : des repas, de l’entretien de la maison, de la lessive, du repassage…

– Et bien comme ça, Papi, tu apprendras tout ce que Mamie faisait !

Café fort

Arabe, Kurde, Palestinien ? Porte-t-il le keffieh en signe de rébellion ? Et à sa ceinture, est-ce un revolver ? Est-il chargé ?

Quand le serveur m’apporte mon café ce matin, je fais gaffe. Je le photographie discrètement, je ne voudrais pas l’énerver. « Bonjour, ça va ? La ville est déserte ce matin, je n’ai vu presque personne dans les rues… ». En guise de réponse, l’homme me baragouine quelques mots que je ne comprends pas et il dépose sans délicatesse le breuvage fumant sur ma table.

Mais où suis-je, me demandez-vous ? Dans un boui-boui à Gaza, Bagdad ou quelque part au Kurdistan ? Non, je suis à Nivelles, dans un bistrot turc sur la Grand-Place, j’attends ma femme qui est chez le coiffeur à côté et je lis le journal. Dehors, il fait gris, moche, bruineux.

Et le seul risque que je cours, c’est un attentat gastrique, le café d’Aziz – un peu bourru mais sympa –  n’est pas très bon.

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