Archives mensuelles : novembre 2019

Casque virtuel

– Que veux-tu pour ta Saint-Nicolas, Cyril ?

Un casque virtuel !

– Euh… un quoi ?

Tu ne sais pas ce que c’est ? C’est un casque que tu mets sur ta tête et qui te fait changer de monde, tu te retrouves dans des jeux vidéos par exemple.

Oh non ! Tu sais bien que mamie et moi on n’y connaît rien dans tous ces trucs, on est incapable de choisir parmi tous ces appareils électroniques, pour ça tu vois avec tes parents.

– Oui, vous, c’est toujours des livres ou des vêtements pour l’hiver ou des équipements pour le sport.

– Et bien oui, c’est comme ça…. et puis on n’a pas le temps de discuter, tu dois rejoindre tes équipiers sur le terrain d’entraînement, ils t’attendent.

Dès qu’il eut touché le ballon, Cyril changea de monde, sans casque, sans écran. Il se mit à courir, rire, crier de plaisir. C’était hier soir. Ce matin, c’est rebelote, en avant pour les matches. Cyril ira de son côté avec son papa. Moi, j’accompagne Awen à Essene quelque part au bord de l’autoroute de la mer et le coup d’œil matinal sur la pelouse givrée du jardin me prévient qu’on va cailler-grelotter-se-les-geler. Un casque virtuel qui nous expédierait sur un terrain de foot au soleil ne serait pas une mauvaise idée.

À ce propos, j’ai lu que quelque part aux USA ou en Australie, on équipe des vaches qui vivent dans des étables de casques virtuels qui leur donnent l’illusion de paître dans de splendides prairies vertes. Ce qui, paraît-il, augmente leur production de lait.

Faudra que je me renseigne davantage sur ces machins virtuels pour alimenter mes prochaines discussions avec Cyril. En attendant, pour ce matin, je vais équiper ma tête d’une casquette hyper-chaude.

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Bonne fin de semaine

Bon week-end… quand je travaillais au Québec et que le vendredi soir je disais ces mots plus par réflexe qu’en pensant réellement à ce qu’ils signifiaient, on me regardait avec un drôle d’air : ce type n’est pas de chez nous, ici on ne dit pas bon week-end mais on souhaite une bonne fin de semaine. On parle français dans notre belle province, on pense à ce qu’on dit et quand arrive le vendredi swèr, on souhaite vraiment une belle soirée, un merveilleux samedi et un formidable dimanche. Enfin, c’est comme ça que je percevais ces trois mots simples. Bonne fin de semaine plus que bon week-end sonnait à mes oreilles comme si on me disait de profiter à fond de l’aboutissement d’une longue et interminable période de grisaille.

Fin de semaine, fin de migraine, fin d’efforts. Enfin voilà un soir et deux jours de bonheur, de liberté, de repos, de plaisir, de farniente. Un soir et deux jours-récompenses, jours de vie, jours d’amour, jours de rien, jours de tout. Jours hors du bureau, de l’atelier, de l’usine, loin des obligations, des chefs, des clients, des collègues. Un soir et deux jours avec ceux qu’on aime. Ou seul avec soi-même. Dans la nature. Sous le ciel, le soleil ou les nuages. Un soir et deux jours de choix, insoumis.

Fin de semaine. Fin de souffrance. Fin de grisaille. Fin d’ennui. Fin d’embouteillages. Fin de paperasses. Fin de calculs. Fin de courbettes. Fin d’emmerdes.

Je vous souhaite à tous une bonne fin de semaine.

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Pression

J’étais cet après-midi avec des amis de longue date que je ne vois que trop rarement. On parle de tout. De santé d’abord, à nos âges c’est de plus en plus important et, Dieu merci, tout va bien ou presque pour nous. Nous parlons aussi, évidemment, de nos enfants et petits-enfants, nous émerveillant des bonheurs quotidiens qu’ils nous apportent.

Et puis, nous échangeons quelques souvenirs communs mais la nostalgie n’étant pas vraiment notre tasse de thé, nous passons rapidement à nos récentes lectures, partageant avis et conseils. Marie, Etienne, Albert, Nadette, Michel sont des lecteurs cultivés et j’apprécie beaucoup leurs points de vue. Au point d’être à la fois flatté et gêné quand Marie évoque gentiment mon blog dont elle ne rate aucun billet. Elle commence chaque journée, dit-elle en riant, après avoir quand même pris son petit-déjeuner avec son mari, par quelques minutes avec moi à travers mes petites lignes du jour. Cela me fait plaisir, bien sûr. Mais quelle pression ! « Qu’as-tu écrit dans ton carnet aujourd’hui ? »

Euh… pas de quoi me trouver intéressant demain matin.

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Amis avec A comme Arguments

J’ai lu avec étonnement le post récent d’une relation Facebook (que je ne connais pas) qui avertissait ceux qui la demanderaient en amie qu’elle ne répondrait favorablement à leur demande que si celle-ci était « dûment argumentée ».

Cela m’a fait rire. Ou pas. J’imagine les demandes : « Je voudrais devenir votre ami pour les raisons suivantes que j’énonce dans la présentation Power Point ci-jointe : point 1, point 2, point 3… ».

Dans mon immense naïveté, moi je pensais que l’amitié était une question de cœur et d’émotion. Et bien, non, pour certains il faut des « arguments ». Cela m’a donné l’idée d’alléger mon réseau de toute une série de personnes qui, en fait, n’y sont que pour des raisons que j’ignore.

Dois-je argumenter pourquoi je les vire ?

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Danger

Tout a l’air paisible. Et pourtant.

J’ai vu ses traces dans les feuilles mortes, il est encore venu cette nuit. Il a tué ces derniers jours chez mon voisin.

Heureusement, je n’ai pas oublié de fermer barrières et portes hier soir. Ni les jours précédents. Mais je sais qu’il me surveille et attend que j’oublie. Une fois suffira.

Et ce jour-là, croc, il se déchaînera. Les plumes voleront dans tous les sens. Le sang coulera. Ce sera un festival de l’horreur avec à l’affiche Dracula, prince des Ténèbres, Requiem pour un massacre ou encore La nuit du chasseur.

Le renard est dans les parages. Mes poules ne se doutent de rien. Je veille.

La vie n’est pas un long fleuve tranquille au fond de mon jardin.

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Happy Lundi

Samedi soir dans ONPC avec l’humour noir qui le caractérise, Olivier de Kersauzon disait en substance qu’à notre âge l’avenir était comparable à un entonnoir qui déboucherait tôt ou tard sur l’Alzheimer, le cancer ou je ne sais quelle horreur et qu’il était donc crucial de ne plus perdre une seule minute de vie.

Avant, ne pas perdre de temps signifiait pour moi courir. Aujourd’hui, je m’arrête. Je m’assieds. J’allume un bon feu de bois. Je prépare le repas, tranquille. Le lundi, c’est à mon tour, ma femme va chercher Maxime à l’école. Je savoure un verre de vin. Ou deux. Ou trois. Bref, je prends le temps de prendre mon temps.

Je le consacre à moi bien sûr, mais aussi – surtout – à ceux que j’aime. Dans le bouquin L’art de bien vieillir selon Anselm Grun que j’ai évoqué dans un billet il y a quelques jours, le vieillissement réussi est celui où l’on se détache progressivement du superflu pour ne plus se concentrer que sur l’essentiel. Avant, ma mission consistait avant tout à contribuer à l’augmentation du chiffre d’affaires de quelques entreprises. Dont la mienne. Aujourd’hui, je m’efforce de contribuer à l’augmentation du bonheur de quelques personnes. Et du mien.

Happy fin de lundi à tous.

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25 novembre

Quelquefois
Si douces
Quand la vie me touche
Comme nous tous
Alors si douces

Quelquefois
Si dures
Que chaque blessure
Longtemps me dure
Longtemps me dure

Femmes, je vous aime
Femmes, je vous aime
Je n’en connais pas de faciles
Je n’en connais que de fragiles
Et difficiles
Oui, difficiles

Quelquefois
Si drôles
Sur un coin d’épaule
Oh oui, si drôles
Regard qui frôle

Quelquefois
Si seules
Parfois elles le veulent
Oui mais, si seules
Oui mais si seules

Femmes, je vous aime
Femmes, je vous aime
Vous êtes…

Femmes je vous aime (Julien Clerc)

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Photo publiée par Alizée Poulicek, ancienne Miss Belgique, sur son compte Instagram en décembre 2017 contre les violences faites aux femmes.

 

Derniers bulbes !

Le soleil m’a poussé vers mon bureau de jardinier dans ma cabane.

Tu as encore une petite mission à remplir, m’a-t-il dit. Tu as déjà fait beaucoup et Sébastien ton pépiniériste aussi… mais ce n’est pas fini, ne te repose pas sur tes lauriers gelés. Tu as oublié deux petits dossiers, tu les trouveras dans ton bac in. Il reste, en effet, sur un coin de l’établi quelques sachets de narcisses. Tiens, bizarre, d’habitude le narcissisme, je ne passe pas à côté.

Encore quelques dizaines de bulbes à planter ce qui nous donnera du jaune soleil dans la pelouse aux premiers jours du printemps. Le plus fatiguant, c’est de creuser les trous de plantation assez profond (3 x la hauteur d’un bulbe) tout autour du rhododendron dont les racines ont rendu la terre aussi dure que du béton. Ça me fera des biceps, ma salle de musculation, en fait, c’est mon jardin.

Je compte les oignons, trente ici, puis il y en aura encore quelques uns à distribuer autour du grand chêne et de l’aulne. Je calcule donc la distance entre chaque trou de plantation avec précision, il faut faire les choses sérieusement. Mais ce n’est pas difficile, ce n’est pas du boulot, c’est que du bonheur.

Ne dit-on pas que la vie est nulle sans bulbes ?

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Saint Nizona

Petit mot ce matin sur Messenger, Alain un ami voisin (si,si, j’en ai 😉 ) me demande si je peux remplacer le grand saint demain soir à l’école du village. Les enfants ont été sages cette année mais Saint Nicolas est sur le flanc, saloperie de grippe. Comme j’ai déjà tenu ce rôle à plusieurs reprises dans le passé, j’aurais pu jouer réserve. Mais là, j’peux pas, j’ai zona. Mes boutons purulents feraient peur aux bambins et surtout les cadeaux dans ma hotte ne sont pas chouettes, elle est pleine de varicelle contagieuse pour ceux qui ne l’ont pas encore contractée et d’éruptions aussi rouges mais beaucoup moins douces que des cuberdons.

Désolé pour cette année les enfants, j’aurais bien aimé vous faire plaisir mais ne vous inquiétez pas, Alain va trouver un remplaçant en super forme. Bonne fête à tous demain soir.

Quant à remplacer le Père Noël, on verra… mais je n’y crois plus depuis longtemps.

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Nostajalousie

Le bruit de la tronçonneuse m’a sorti de mon lit. Sébastien et son ouvrier sont au bout de ma propriété, ils coupent les branches et les buissons qui envahissent les berges du Buzet, le ruisseau qui coule derrière chez moi.

Le temps est magnifique pour ce travail. Il a gelé, le sol est dur, le soleil brille, l’évacuation des déchets verts se fera sans problèmes, sans traces dans la boue. Mon voisin avec qui je ne suis pas copain a accepté, en râlant, que l’entreprise traverse son terrain pour accéder au mien. « Je le fais pour toi Séba… mais par pour ce type, si c’était un autre que toi qui me l’avait demandé, je l’aurais envoyé au diable ». Mon voisin ne m’aime pas – c’est réciproque – mais je lui dis merci quand même et lui souhaite un prompt rétablissement. Je sais qu’il va devoir subir une importante opération pour son dos. Et ce n’est pas parce qu’on n’aime pas quelqu’un qu’on lui souhaite du mal.

Le bruit, pardon la mélopée de la tronçonneuse, réveille en moi des souvenirs heureux. Il y a quelques années, ce travail d’élagage, je le faisais moi-même, seul ou avec mon frère Jean-Pierre qui avait créé une petite société de jardinage pour occuper ses week-ends et se nettoyer la tête des soucis financiers qu’il devait régler à longueur de journée dans son métier d’expert comptable. C’était le bon temps, comme disent les vieux. Mon frère était encore vivant et même « bon vivant ». Après le travail en plein air, nous allions nous désaltérer au bistrot du village et l’ambiance y était joyeuse. Que de fois ne l’ai-je accompagné en qualité de « manoeuvre » assez costaud pour manier la tronçonneuse, charger les branches sur la remorque, conduire la jeep à la déchetterie… du travail qui me faisait mal au dos mais tellement de bien au moral.

Aujourd’hui, quand j’entends le blues de la tronçonneuse, la nostalgie et l’envie m’envahissent. La pub, mes voyages, mes tournages, mes awards, tout ce bazar ne me manque pas. Mais les effluves d’essence mélangés aux parfums du bois vert fraîchement coupé, les arômes flottants et épais des cigarettes mêlés à ceux du poêle à bois de l’estaminet, les verres qui s’entrechoquent et les éclats de rire de mon frère, la force dans mes bras pour soulever et manipuler la tronçonneuse… je donnerais beaucoup pour les retrouver quelques heures à chaque début d’hiver. Mais à quoi bon se lamenter.

Dans son livre « L’art de bien vieillir », le philosophe et moine Anselm Grün rappelle la définition de la vieillesse selon le célèbre psychologue Carl Gustav Jung : « Vieillir, c’est accepter la diminution de ses forces vives physiques et mentales, et tourner ses regards vers l’intérieur. C’est dans l’âme que gît la richesse de l’homme ». Et il nous encourage à pratiquer l’art du lâcher-prise : « Afin d’évoluer et de nous renouveler, dit-il, il nous faut en permanence nous défaire de ce qui est ancien ».

J’essaie, docteur, j’essaie. Mais parfois, je craque. Allez, ça va maintenant : Sébastien a terminé le boulot, la tronçonneuse s’est tue.

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