Rob et Franck sont accoudés au comptoir du club de tennis. Ils sont, disons, un peu entamés. «Salut Mich, tu prends, hips, un verre avec nous ?». J’accepte avec plaisir mais je ne resterai pas longtemps, je suis venu rechercher mon petit-fils. « Qu’est-ce qu’on peut t’offrir, hips, c’est un jour spécial aujourd’hui ?»
Je demande pourquoi. « Et bien, parce que Caterpillar Belgium qui a décidé fin de l’année dernière de fermer son site de Gosselies s’est séparé de 910 travailleurs ce matin. Et Rob et moi, on fait partie du nombre. On est allé rendre notre carte d’accès ce matin et on est en vadrouille depuis. Ça fait un drôle de vide ici, il y a 32 ans que je me baladais avec ce badge… » m’explique Franck en mettant la main dans la poche-arrière de son jeans, «… et bientôt, ce sera plus léger ici aussi…» ajoute-t-il en ouvrant son portefeuille pour payer ma bière.
Ces deux gaillards sont des costauds, des gros bras, faut voir comme ils cognent sur un court de tennis. Ces types construisaient depuis des décennies des machines de plusieurs tonnes : des bulldozers, des grues et autres monstres de chantier.
Mais aujourd’hui, leurs yeux humides brillaient comme ceux de deux petits garçons qui essaient de ne pas pleurer.