Archives mensuelles : Mai 2017

Préparez vos mouchoirs

Rob et Franck sont accoudés au comptoir du club de tennis. Ils sont, disons, un peu entamés. «Salut Mich, tu prends, hips, un verre avec nous ?». J’accepte avec plaisir mais je ne resterai pas longtemps, je suis venu rechercher mon petit-fils. « Qu’est-ce qu’on peut t’offrir, hips, c’est un jour spécial aujourd’hui ?»

Je demande pourquoi. « Et bien, parce que Caterpillar Belgium qui a décidé fin de l’année dernière de fermer son site de Gosselies s’est séparé de 910 travailleurs ce matin. Et Rob et moi, on fait partie du nombre. On est allé rendre notre carte d’accès ce matin et on est en vadrouille depuis. Ça fait un drôle de vide ici, il y a 32 ans que je me baladais avec ce badge… » m’explique Franck en mettant la main dans la poche-arrière de son jeans, «… et bientôt, ce sera plus léger ici aussi…» ajoute-t-il en ouvrant son portefeuille pour payer ma bière.

Ces deux gaillards sont des costauds, des gros bras, faut voir comme ils cognent sur un court de tennis. Ces types construisaient depuis des décennies des machines de plusieurs tonnes : des bulldozers, des grues et autres monstres de chantier.

Mais aujourd’hui, leurs yeux humides brillaient comme ceux de deux petits garçons qui essaient de ne pas pleurer.

dc,1200x1200,twin,flat.1u1.jpg

 

Prof en terrasse

J’avais rendez-vous ce matin avec les deux étudiants dont je supervise le TFE. C’était normalement prévu à l’école mais avant le week-end, j’ai été averti de l’inaccessibilité du campus et des classes ce lundi pour des raisons extra-scolaires. J’ai donc improvisé notre rencontre sur une terrasse de la magnifique Grand-Place de Mons. Le soleil inonde les pavés de joyeuses brillances, on dirait un rendez-vous de vacances.

Je l’aperçois de loin, L….. m’attend sous un parasol. Devant elle, un gros dossier : le document théorique que j’ai déjà eu l’occasion de lire et de commenter et qu’elle déposera, dernier délai, demain au secrétariat de l’école. Aujourd’hui, elle souhaite me montrer ses premiers concepts pour la campagne de communication qu’elle défendra devant le jury dans une dizaine de jours. Je l’observe, je la sens à la fois stressée et confiante. Moi, je sais que cela se passera bien.

Je m’assieds à sa table juste au moment où l’autre étudiant, C……, nous rejoint. Il n’a que quelques feuilles roulées en main. Lui a l’air – je dis bien l’air – plus décontracté. J’ai déjà aussi lu et apprécié son travail d’analyse. Aujourd’hui, je vais découvrir ses idées créatives.

« Bon, on commence par qui ? ». C…… se lance. Je ne dirai rien ici de ses approches conceptuelles, discrétion oblige, mais comme on dit dans le métier « ça sent bon ». Vient ensuite le tour de L….., elle a beaucoup de feuilles de brouillons. Je les parcours avec elle, on discute, on fait des choix, C…… suit notre conversation avec intérêt mais n’intervient pas, évidemment. Comme pour lui, mes impressions sont positives. Les voilà tous deux rassurés et prêts à affronter le dernier sprint avant The Big Presentation.

Nous partageons alors un thé, deux cafés et une petite heure à échanger leurs feelings – satisfactions et déceptions – d’après stage en entreprise. Ils me font part aussi de leurs projets pour les vacances. Projets de travail surtout. Besoin de liberté. Envie d’ailleurs. L….. a un job d’été en Suisse. C…… rêve d’Angleterre ou mieux encore d’Outre-Atlantique. Mais auparavant, il faudra réussir les jurys et examens de fin d’année. Je ne me fais pas (trop) de soucis pour eux. Et s’ils ont besoin de mon aide après l’école, je leur ai dit qu’ils pourraient compter sur moi, dans la mesure de mes possibilités. On verra.

« Donner cours » sur une terrasse, sans tableau, sans estrade, sans bouquin. Sans faire le prof en fait, c’est ce que je préfère dans l’enseignement.

IMG_5949.jpg

 

Lauriers sportifs

Awen place délicatement le cuir sur le gazon, recule ensuite de trois pas, s’arrête, écarte les jambes comme Ronaldo, se concentre, s’élance et brosse le ballon de l’intérieur du pied.

– Regarde, papi, il se dirige en pleine lucarne 

La balle fend l’air en dessinant une belle courbe, passe à quelques centimètres de l’angle du but. Et va se perdre dans la haie.

– Hé, Ronaldo, fais attention à mes lauriers, tu vas les casser

– C’est pas grave, papi, tu ne devras plus les tailler 😉

IMG_5943.jpg

IMG_5945.jpg

 

 

Parking complet

J’ai suivi cette semaine une discussion pathétique sur le site de ma ville entre grincheux qui se plaignaient de la pénurie de places de parking dans le centre-ville. Une complainte que de nombreux bourgmestres doivent endurer alors que souvent il n’est pas si difficile de garer sa voiture à quelques centaines de mètres des commerces et de s’y rendre à pied, au prix d’une petite marche souvent plus agréable qu’on le croit.

Mais ce matin, j’ai fait comme tout le monde : par réflexe, j’ai pesté parce que le parking du centre-ville était complet et que je n’ai trouvé une place pour ma Fiesta qu’au bout du parc de la Dodaine à un bon kilomètre du marché. Quelle affaire ! Le soleil chauffait, j’ai dû marcher et je crois même que j’ai un peu transpiré.

Mais quel bonheur surtout ! J’ai redécouvert les sentiers des jardins communaux fleuris, la superbe perspective sur la Collégiale mille et mille fois photographiée. J’ai admiré le plongeon d’un jeune canard dans l’étang et applaudi la course élégante sous les frondaisons ombragées de courageuses joggeuses moins jeunes et me suis arrêté dans le Vieux-Nivelles chez la marchande de journaux où je suis tombé par hasard, en feuilletant un magazine consacré à la Corse, sur une photo en double page du sublime couvent où je me trouvais il y a trois semaines.

J’ai fait le tour du marché, bu mon café, lu mon journal et refait la balade à pied dans l’autre sens pour la terminer au Club de tennis avec une bonne bière et quelques copains. Quand j’ai repris ma voiture, j’ai levé les yeux au ciel, une hirondelle tournait là-haut. Il y avait bien dix ans, tiens, que je n’en avais plus aperçue chez nous.

Merci Monsieur le Bourgmestre, c’est bien finalement pas trop de parking en ville.

IMG_5926.jpg

IMG_5928.jpg

IMG_5932.jpg

Capture d’écran 2017-05-27 à 20.34.19.png

Capture d’écran 2017-05-27 à 20.08.57.png

Ça p que !

L’aubép ne est une redoutable combattante. Nos ancêtres en planta ent des ha es pour dresser des remparts contre leurs agresseurs.

L’aubép ne est ultra-rés stante, je vo s encore les roues-avant du tracteur se soulever quand l tenta de dérac ner la ha e qui barra t l’entrée du terra n où j’alla s constru re notre ma son  l y a quarante ans.

Les p cots de l’aubép ne sont terr bles. Je v ens une fo s encore, comme chaque été, d’en fa re la douloureuse expér ence. En ta llant le grand arbuste au fond du jard n, je me su s fa t agresser par une forte ép ne à travers un trou dans mon gant de cu r. Mon majeur a beaucoup sa gné et j’a été obl gé de le panser. Pas fac le dès lors pour taper sur un clav er !

Ma s s Georges Perec a écr t tout un l vre sans e, j’arr verai b en à pondre un b llet sans .

IMG_5936.jpg

IMG_5937.jpg

 

 

 

Trop Ta(rd)ormina ?

Il y a dix ans, nous avons passé deux étés consécutifs à Taormina en Sicile. Un des plus beaux endroits que nous ayons vus, un des plus beaux souvenirs de notre vie. Taormina, endroit béni des dieux, baigné de soleil et d’azur, rendez-vous des amoureux turbulents et volcaniques comme Richard Burton et Elizabeth Taylor… et quelques autres.

J’ai revu Taormina ces derniers jours à la télévision, sa belle rue principale et ses maisons de pierre et de marbre, son théâtre antique où nous avions assisté à un merveilleux concert d’Ennio Morricone, sa grande terrasse donnant sur le plus beau panorama  du monde en 50 nuances de bleus et bien sûr, l’Etna au repos entouré de quelques petits nuages blancs. Mais Taormina n’était pas dans son état naturel, elle n’était plus le paradis paisible où nous avions séjourné. Elle était envahie de militaires et de policiers.

Sécurité oblige ! Les dirigeants des sept pays les plus riches du monde la squattent pour le sommet du G7 et ils se serrent vigoureusement la main, ils discutent, ils se bousculent. Ils affrontent les grands défis mondiaux, dont la question climatique. Le lieu pourrait faire croire que tout va bien. Pas de nuage à l’horizon, rien que de l’or et du bleu dans l’air, à peine quelques cotons flottants autour du cratère au repos. Mais derrière les sourires, on grimace. Les accords se désaccordent. Tout peut péter à n’importe quel moment.

Et l’avenir n’être plus qu’un beau souvenir.

IMG_2155.jpg

Solidarité

Il y a des besognes dont on se passerait volontiers mais on doit tous y… passer. Enfin, quand je dis tous, c’est presque tous. Il y en a quand même quelques uns, et pas des moindres, qui parviennent chaque année à les éviter.

Je ne fais, hélas, pas partie de ceux-là et ce matin je m’y suis donc mis. J’ai réuni les documents nécessaires pour ma déclaration fiscale, quel tas de paperasses !

En les parcourant, je pense à la question que j’ai récemment posée à l’UCM, la caisse qui collecte mes cotisations sociales dues pour mes prestations professionnelles complémentaires à ma pension.

« Dites, avais-je demandé, ces cotisations sociales contribuent-elles et dans quelle mesure à améliorer ma ridicule pension de retraite d’indépendant ? » Non, m’a répondu l’employé, votre pension est définitive, ceci est juste une cotisation de solidarité (juste quelques milliers d’euros par an quand même). « Euh… en plus de mes impôts de près de la moitié de mes honoraires de prof… vous dites solidarité … vous voulez dire « arnaque », je suppose ? Il a rigolé.

Bon, je ne vais pas pleurer sur mon sort, il y a plus malheureux que moi (mais moins aussi), je vais finir au plus vite cette déclaration de m… et prendre un bon apéro sur la terrasse.

Non deux, un pour moi et un par solidarité.

IMG_5905.jpg

Quel mardi mes amis !

Il est 18h00 et je viens de rentrer d’une journée harassante. Bien plus épuisante qu’une journée de travail. Bien plus enrichissante aussi. Depuis 8h30 du matin, je rencontre des amis.

9h, rendez-vous sur le terrain de tennis. Une heure trente de match en double contre Claude et Julien pour un set gagné à l’arraché. Ensuite, une petite heure en match simple contre Pierre pour un set perdu. On pense que c’est fini. Mais non.

Bernard et Georges qui jouent sur le terrain voisin nous provoquent : « Hé les papys, vous n’avez pas envie de vous mesurer à des jeunes ? ». Ces deux-là sont nettement plus forts que nous, mais pourquoi pas. On n’a pas peur. Et nous voilà partis pour un set disputé de trois quarts d’heure. On est battus mais ils ont transpiré.

C’est l’heure de l’apéro, on va récupérer. Avec des amis en plus qui rejoignent la troupe : Luc, Bill et Massimo. Je ne peux pas traîner avec vous les gars, j’ai rendez-vous au resto avec mon ami Fabrice que je n’ai pas vu depuis longtemps et avec qui je passerai deux bonnes heures absolument délicieuses.

Vite un café, il est l’heure d’aller chercher mon petit Max à l’école. Là, re-amis, je discute avec Jean-Marie et René qui eux aussi viennent récupérer leurs petit-fils.

Vous pensez que c’est fini ? Mais pas du tout.

Quand on arrive à la maison de Max, son voisin travaille dans son jardin. C’est un vieil ami de tennis, qui ne joue plus aujourd’hui dans mon club, mais qui me taquine régulièrement sur Facebook. « Hello Daniel, comment va ? La santé va mieux ». Il lève la tête, clic clac, je le prends en photo. « On ne sait jamais, ça peut servir pour un billet… intitulé Brioche par exemple…mais non, je rigole ». Je ne dois pas trop faire le malin avec lui car s’il me défie au tennis, il est capable de m’exterminer. Il a été champion de Belgique avec son équipe de vétérans il y a trois ou quatre ans. On discute, on papote, le temps passe… « Oh là, bientôt 18h00, il est temps de rentrer, je n’ai encore rien foutu aujourd’hui ».

En fait si, j’ai fait beaucoup. J’ai même fait ce qu’il y a de plus important : j’ai passé du temps, beaucoup de temps, en amitié.

Capture d’écran 2017-05-23 à 18.07.04.png

IMG_5760.jpg

IMG_5869.JPG

FullSizeRender (1).jpg

 

 

 

 

 

 

Faute ?

– 110 ml = 0,11 l , non ?

– Euh… attends… je regarde le tableau des équivalences, j’inscris 110 dans les bonnes colonnes… oui, c’est exact, Awen

– Ben alors, papi, pourquoi la Juf a-t-elle indiqué dans mon cahier que c’était faux ?

– Montre ? Ah oui, elle s’est trompée mais il faut reconnaître que ce que tu as écrit n’est pas très lisible avec la grosse rature, tu aurais dû utiliser ton Tip-Ex et écrire ta réponse proprement

– Oui mais c’est ELLE qui s’est GOU-RÉE !

– C’est pas grave, tu le lui feras gentiment remarquer au prochain cours

– Ça ne sert à rien, c’est une SADIQUE !

7c25ebb34af64ced3302e82c34a5d956.jpg

 

Cette fois, c’est nous

J’ai acheté un billet de Lotto. Je ne fais cela presque jamais mais aujourd’hui je le «sens» bien. Même si je n’ai jamais gagné à aucun jeu d’argent. Sauf une fois. Une «grosse» fois. Grâce à mes amis Georges Lafleur et Alain Godefroid, il y a une quinzaine d’années, nous avons remporté la compétition pour les campagnes publicitaires du Lotto durant trois ans. Pour le concepteur freelance que j’étais, c’était comme si j’avais tiré le gros lot. Merci encore à mes deux amis de m’avoir branché sur ce coup-là.

Le slogan qui me vint alors naturellement à l’esprit, quasi sur le champ, fut « Cette fois c’est moi ». Le cri de joie du gagnant ou alors, plus subtil, le rêve – la certitude ?- que tout joueur nourrit au moment où il achète son billet.

Et bien ce matin, c’est le sentiment que j’ai. Mercredi, ce sera moi. Ou plutôt nous, moi et tous ceux auxquels je tiens, mon petit Awen en tête. Car je me souviens d’une conversation avec lui : « Dis papi, qu’est-ce que tu ferais si tu gagnais au Lotto ?… Moi, si je gagnais un million, je donnerais à mes parents l’argent nécessaire pour achever les travaux dans la maison. Et avec ce qu’il reste, je ferais plaisir autour de moi. Un peu à toi aussi, hein ». Je lui ai répondu : « Même chose pour moi ».

On verra mercredi. En tout cas, avec le soleil et le ciel bleu, on a déjà tous gagné aujourd’hui.

IMG_5866.JPG

02cd006c-aa81-11e6-9f70-fd3f43956712.jpg