« Tout compte fait, si je devais rendre grâce ce serait à des riens ». C’est cette phrase du poète Michel Baglin qui un jour m’a donné l’idée de créer mon blog. Écrire au quotidien à propos de pas grand-chose, de ces instants, ces idées, ces non-événements qui finalement tricotent nos vies de millions de petits points et mailles qui en font la trame. Des mots à propos de riens… souvent rien, parfois bien.
J’en suis aujourd’hui à peu près à mon 4000ème billet et j’ai de la chance. En bougeant un meuble ce matin pour dépoussiérer derrière, il faut bien que cela se fasse au moins tous les 10 ans, je suis tombé sur un avion naufragé. Comment est-il arrivé là ? Depuis combien de temps est-il réduit à l’état d’épave ? On le voit, c’est un engin du passé, sorte de coucou héroïque semblable au Lightening P31 d’Antoine de Saint-Exupéry disparu sans laisser de traces en 1948 et retrouvé 50 ans plus tard dans les calanques pas loin de Marseille.
Ce petit zinc a passé au moins une décennie dans l’oubli et l’obscurité derrière cette armoire trop lourde pour mon dos douloureux mais soudain légère pour le plaisir de le retrouver. Et pourtant il s’agit de rien, d’une « bête » pince-à-linge et deux bâtonnets de glace. Mais aussi du génie d’un constructeur de cinq ou six ans, aujourd’hui jeune homme aimant le foot et les sciences. Je reste assis sur le plancher tenant ce petit avion avant d’aller le photographier sur fond de ciel azur, le bleu est la couleur du bonheur, n’est-il pas ? En quelques minutes je m’envole à destination de bons souvenirs, je sais, on va encore dire que je suis passéiste mais la nostalgie n’est-elle pas l’encre du poète ? Loin de moi l’idée de me prendre pour un Rimbaud, hein ! Les souvenirs quand ils sont heureux ne sont pas mélancoliques mais au contraire des ailes pour aller de l’avant, voler vers des lendemains encore meilleurs. Enfin, je crois, je voudrais.
En tout cas, ces petits bouts de bois de rien du tout m’ont fait du bien. Et donné envie de relire Saint-Ex, d’embarquer avec le pilote Fabien de l’Aéropostale et de décoller de San Julian à destination de Buenos Aires : « Quand les dix minutes d’escale furent écoulées, Fabien dut repartir. Il se retourna vers San Julian : ce n’était plus qu’une poignée de lumières, puis d’étoiles, puis se dissipa la poussière qui, pour la dernière fois, le tenta ».
Bon vol à vous tous ce vendredi.