Archives mensuelles : septembre 2022

Destination Rien

« Tout compte fait, si je devais rendre grâce ce serait à des riens ». C’est cette phrase du poète Michel Baglin qui un jour m’a donné l’idée de créer mon blog. Écrire au quotidien à propos de pas grand-chose, de ces instants, ces idées, ces non-événements qui finalement tricotent nos vies de millions de petits points et mailles qui en font la trame. Des mots à propos de riens… souvent rien, parfois bien.

 J’en suis aujourd’hui à peu près à mon 4000ème billet et j’ai de la chance. En bougeant un meuble ce matin pour dépoussiérer derrière, il faut bien que cela se fasse au moins tous les 10 ans, je suis tombé sur un avion naufragé. Comment est-il arrivé là ? Depuis combien de temps est-il réduit à l’état d’épave ? On le voit, c’est un engin du passé, sorte de coucou héroïque semblable au Lightening P31 d’Antoine de Saint-Exupéry disparu sans laisser de traces en 1948 et retrouvé 50 ans plus tard dans les calanques pas loin de Marseille.

Ce petit zinc a passé au moins une décennie dans l’oubli et l’obscurité derrière cette armoire trop lourde pour mon dos douloureux mais soudain légère pour le plaisir de le retrouver. Et pourtant il s’agit de rien, d’une « bête » pince-à-linge et deux bâtonnets de glace. Mais aussi du génie d’un constructeur de cinq ou six ans, aujourd’hui jeune homme aimant le foot et les sciences. Je reste assis sur le plancher tenant ce petit avion avant d’aller le photographier sur fond de ciel azur, le bleu est la couleur du bonheur, n’est-il pas ? En quelques minutes je m’envole à destination de bons souvenirs, je sais, on va encore dire que je suis passéiste mais la nostalgie n’est-elle pas l’encre du poète ? Loin de moi l’idée de me prendre pour un Rimbaud, hein ! Les souvenirs quand ils sont heureux ne sont pas mélancoliques mais au contraire des ailes pour aller de l’avant, voler vers des lendemains encore meilleurs. Enfin, je crois, je voudrais.

En tout cas, ces petits bouts de bois de rien du tout m’ont fait du bien. Et donné envie de relire Saint-Ex, d’embarquer avec le pilote Fabien de l’Aéropostale et de décoller de San Julian à destination de Buenos Aires : « Quand les dix minutes d’escale furent écoulées, Fabien dut repartir. Il se retourna vers San Julian : ce n’était plus qu’une poignée de lumières, puis d’étoiles, puis se dissipa la poussière qui, pour la dernière fois, le tenta ».

Bon vol à vous tous ce vendredi.

Une noix…

Je devrais créer une série avec mes billets consacrés à mes amis : « Mes potes sont formidables », j’écris « potes » pour faire jeune et éviter la répétition « amis » dans la même phrase mais je préfère nettement ce mot.

Mais, ça veut dire quoi exactement « ami » ? Moi j’ai ma définition toute simple : un ami c’est quelqu’un qui non seulement vous veut du bien mais surtout qui vous en fait. Quelqu’un qui vous donne du bonheur, pas forcément souvent, pas nécessairement beaucoup, ce n’est pas la quantité qui compte mais la qualité. Un rayon de soleil, une éclaircie, un moment d’oubli dans la grisaille ambiante.

Ainsi, il y a quelques jours, c’était Guy, un ami du tennis, qui me faisait vivre la bataille de Waterloo in situ comme jamais je n’aurais pu l’imaginer. Et ce matin, c’était Jean, un ami d’adolescence, qui m’invitait à aller ramasser des noix sur ses terres.

Jean est un fils de la nature qui entretient, à sa manière, les terres que ses parents agriculteurs cultivaient quand il était enfant. Lui n’a pas fait carrière dans l’agriculture mais il est cependant toujours resté viscéralement attaché aux hectares de ses parents qu’il a transformés en un superbe bocage constitué de prairies, de boqueteaux, de taillis et d’étangs plantés de milliers d’arbres aussi bien sauvages que fruitiers, arrosé de petites rivières et d’étangs où prolifèrent les animaux de toutes sortes, des faisans aux canards, des lapins aux lièvres et quelques chevreuils, des abeilles aux oiseaux les plus variés. Il ne se prend pas pour un spécialiste de la nature (alors que je trouve qu’il l’est, il faut voir les aménagements qu’il a « bricolés » selon ses termes) mais comme un « passionné de verdure » dont le paysage préféré, dit-il, plus que la montagne, que la mer ou que les forêts est en effet ce bocage vallonné où il aime marcher et « chasser en silence ».  

Jean est arrivé ce matin à la maison au volant de sa jeep passe-partout pour m’emmener dans ses bois, ses prés, ses ronces, ses orties et ses sentiers où quelques noyers laissent généreusement tomber leurs noix pour les courageux qui n’ont pas peur de se piquer pour les ramasser. On en ramassera quelques seaux que je transformerai en gâteaux et tartes pour mes gamins mais je ramènerai surtout de cette matinée le souvenir d’un délicieux début d’automne. Une noix. Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une noix ? Qu’est-ce qu’on y voit ?

Merci Jean !

Ar(t)bre

J’attends ma femme, elle en a pour une demi-heure m’a-t-elle dit. Il pleuvine mais je n’ai pas envie de rester dans la voiture, je sors me balader sous les arbres du square. Ces arbres qu’on voit tous les jours sans vraiment les voir, ils font partie du décor et ce n’est qu’à l’automne qu’on s’aperçoit qu’ils sont là quand ils changent de couleur et perdent leurs feuilles. Je m’attarde au pied de chacun d’eux et essaie de les reconnaître.

Celui-ci c’est facile, ses feuilles en forme du drapeau canadien et sa couleur rouge l’identifient immédiatement, c’est un érable rouge.

Celui-là qui pousse largement plus haut que les autres, c’est facile aussi, sa silhouette élancée dit sans hésitation qu’il s’agit d’un peuplier.

Le châtaignier aussi se reconnaît aisément, il perd ses bogues vert-pomme hérissées de picots et il vaut mieux ne pas en attraper sur la tête car, ouille, ça pique.

Je reste plus longtemps sous l’épais tilleul car la pluie est à présent plus drue. J’ai le nez quasi sur son écorce et je voyage en rêve sur ses montagnes, dans ses ravins et ses forêts et salue quelques habitants, mini-fourmis et pucerons. Avec mon canif et les doigts, je détache un petit bout d’écorce pour voir ce qu’il y a dessous. C’est spongieux, c’est collant, je porte le doigt à la bouche, c’est légèrement sucré. Cette partie entre écorce et cœur, c’est l’aubier, là où circule la sève et se concentre le suc que les Indiens d’Amérique utilisaient comme remèdes apaisant les douleurs et les fièvres. Aujourd’hui on retrouve cet aubier dans mille et une potions médicales.

Mais, j’ai aussitôt un remords, je me rappelle vaguement un proverbe québécois (serait-ce l’influence de l’érable rouge qui m’espionne dans mon dos ?) qui dit à peu près ceci : « il ne faut pas glisser le doigt entre l’écorce et l’arbre » c’est-à-dire se mêler des affaires d’autrui, même s’il s’agit d’un tilleul. Je remets donc mon canif et mes doigts en poche et le laisse tranquille. Je me contente de regarder en gros-plan ses verts, ses gris, ses vert-de-gris. Quel artiste cet arbre… abstrait ou concret ?

Douce plaine

Hier, la pluie tomba sans discontinuer durant toute la journée comme le samedi 17 juin 1815, veille de la bataille de Waterloo. Nous nous attendions avec les quelques marcheurs réunis au pied du Lion à marcher ce matin dans des champs boueux, presqu’ impraticables, comme ceux qui furent fatals à l’artillerie napoléonienne. Mais ce ne fut pas le cas, la sécheresse de l’été a rendu les sols extrêmement perméables et l’eau ne reste pas en surface, ils ne sont donc qu’humides et nous n’aurons pas besoin de nos bottes. Le 18 juin 1815, ce fut tout autre chose. Après de gros orages, la terre était tellement spongieuse que les boulets qui par temps sec rebondissent comme des ballons de foot et déciment les troupes ennemies à la manière de boules de bowling bondissantes s’écrasaient au contraire dans la boue et n’étaient dès lors que peu meurtriers. Ce fut une des causes, parmi quelques autres, de la déroute française face aux lignes et aux carrés des troupes de Wellington.

Nous avons donc marché comme de paisibles promeneurs en suçant quelques bonbons Napoléon, ces boules sûres que j’adorais quand j’étais petit, achetés à la boutique des souvenirs à l’entrée du site.

Le ciel est magnifique, moutonné de blanc, de gris et de bleu, un vrai ciel à la belge bercé par le vent qui en poussant les nuages fait jouer de belles lumières sur la plaine qui n’a rien de morne en ce dimanche. Guy, un copain de tennis, qui entre son bureau et les courts, se passionne depuis toujours pour l’histoire et en particulier celle du premier empire, nous éblouit de son érudition. Craies de couleur en main, (son tableau étant les pierres du sentier), il nous raconte le terrible combat qui massacra 11000 soldats et 9000 chevaux et fit 30000 blessés en même pas une journée.

Par ce beau dimanche doux et tranquille, comment imaginer que ces champs de patates et de maïs bercés de brumes et de vents légers furent alors « … ce plateau funèbre et solitaire, ce champ sinistre où Dieu mêla tant de néants,… » ?

À la fin de notre marche-promenade, Guy évoque l’hypothèse selon laquelle Napoléon savait qu’il ne pourrait gagner la bataille de Waterloo mais qu’il alla jusqu’au bout, en pleine conscience, vers un suicide collectif entraînant avec lui des milliers de morts. Je ne peux alors m’empêcher de faire un rapprochement avec un autre « empereur » d’aujourd’hui.

Mais je chasse aussitôt de la main cette idée noire comme s’il s’agissait d’une mouche et lève les yeux vers le ciel. Entre les nuages, j’aperçois un homme-oiseau, vous savez un de ces sportifs qui pratiquent le wingsuit, le vol en combinaison en forme d’aile.

Et Waterloo redevient aussitôt cette plaine magnifique et lumineuse et je déballe un nouveau bonbon Napoléon.

O giardino mio

Le soleil caresse le jardin, la lumière frise les buissons et moi je rame en chantant me prenant pour un gondolier sur le petit canal de graviers rouge qui contourne la maison.

Il fait beau et depuis hier, je me suis mis à l’entretien des plantes, le nettoyage des parterres et des pelouses après un été qui ne fut pas des plus tendres avec la végétation. Mais les pluies récentes ont adouci les brûlures et reverdi les feuilles cramées.

Mon ombre avec mon râteau me fait penser aux gondoliers de Venise « Gondolier t’en souviens tu, les pieds nus, sur ta gondole tu chantais la barcarolle » mais aussi aux bateliers de la Volga « Tire frère, marche frère; de l’aube jusqu’au soir, tire sans espoir » ou aux piroguiers du Congo « Piroguier du Congo conserve bien le tempo ».

Mais ce n’est pas en rêvant que j’avancerai dans mon travail de jardinier, les buissons poussent dans tous les sens, je dois changer de rôle et passer de gondolier à Figaro-ci Figaro-Là ! D’abord raccourcir tout en légèreté les mèches hirsutes sur la tête de l’hibiscus, ensuite maîtriser les pousses trop abondantes du Millepertuis et ne pas oublier la remise en forme du physocarpe pourpre qu’on appelle aussi physocarpe « Diabolo ».

Mais moi aujourd’hui, je dis « Diavolo » et avec Zucchero, je chante « Accendi un diavolo in me… »

Fair-play

Depuis quelques jours le monde des échecs est en ébullition. Le multiple champion du monde, Magnus Carlsen refuse de jouer contre Hans Nieman qu’il soupçonne de tricherie avec des méthodes… euh… assez spéciales qui se situent sous la ceinture. Allez voir sur les réseaux sociaux, ça fait le buzz ! Moi qui ai toujours pensé que les jeux d’échecs étaient le sommet du fair-play et de l’intelligence.

Mais je n’y connais pas grand-chose, je ne suis pas doué pour les jeux de stratégie, de patience et d’adresse au contraire de mon petit-fils Cyril qui alors qu’il n’avait pas encore dix ans m’infligeait régulièrement un échec et mat au retour de l’école. Heureusement, le Covid est arrivé 😉 et je n’ai plus pu aller le chercher… ce qui m’a épargné quelques humiliations. Il faut dire qu’il est assez bon dans tous ces trucs de casse-tête, il résout par exemple le Rubik’s cube en moins d’une minute (il a étudié beaucoup de logiciels sur le sujet) moi qui n’ai jamais réussi que deux faces de toute ma vie.

Pendant les vacances, il m’a lancé un nouveau défi, il m’a envoyé une carte postale sur laquelle il avait écrit, sans faute d’orthographe « Papi, j’ai joué au scrabble et je te bats quand tu veux »... Ça promet !

Je racontais ça à son cousin Maxime lors d’une récente fête de famille. Cyril jouait à un jeu impossible sur une tablette mais tendait l’oreille vers notre conversation. D’un air compatissant, il a dit à Maxime, « Papi exagère, je le bats à tout sauf au jeu de dames » et c’est vrai que là, il ne m’a jamais eu. Mon papa qui était un crack m’a filé ses meilleurs coups quand j’étais gamin et j’en ai gardé queques uns en mémoire. Mais Cyril n’aime pas ce jeu… il préfère tous les autres où il est trop fort.

Mais parfois il me propose quand même une partie, juste pour que je gagne une fois. Les vrais joueurs sont fair-play.  

Et merde !

Ce matin, un ami publiait la photo d’un ami commun très cher disparu il y a un an jour pour jour. La regardant, je me suis remémoré les joyeuses réunions de notre bande qui se réduit hélas à chaque nouvel automne. J’ai même été revoir quelques photos et j’ai pensé – pourquoi spécialement aujourd’hui ? – en particulier à Phil dont je regrettais ne plus avoir de nouvelles depuis trop longtemps. Et voilà que cet après-midi, un sms m’apprend qu’il vient lui aussi de nous quitter.

C’est de notre âge, il faudra nous habituer – mais est-ce possible ?- à ce genre de message qui deviendra de plus en plus fréquent. La mort d’amis qui emportent avec eux le souvenir de beaux moments partagés est aussi un peu la nôtre : à chaque départ, c’est en effet un peu de nous qui s’en va. C’est sans doute égoïste de penser cela mais c’est la triste réalité.

Avec Phil, c’est quelques joyeux pastis en Provence et de belles discussions d’écriture que je ne vivrai plus. C’est aussi et surtout un formidable exemple de courage face à la maladie que je ne pourrai plus admirer.

Sa mort me laisse une sorte de mauvaise conscience, de culpabilité au fond du cœur. Je sors en effet aujourd’hui de chez le cardiologue pour mon contrôle annuel qui m’a dit tout va bien. La vie est injuste, la mort aussi.

Salut Phil !

Ultracrépidarianisme

6° ce matin, brrr… ça commence à refroidir sérieusement. Mais pas question de déjà allumééér le feu ni d’ouvrir les radiateurs. Il faut s’entraîner à réduire sa consommation d’énergie afin de se préparer à l’hiver. J’ai donc rajouté une couverture sur le lit, remis quelques vieux pulls au dessus de la pile de vêtements et ressorti du tiroir deux ou trois paires de chaussettes en laine.

Mais comment réchauffer mes vieux doigts engourdis alors qu’autrefois ils résistaient au gel québécois ? Le seul truc que j’ai trouvé c’est de souffler dessus et de les faire courir sur le clavier de mon vieil ordinateur qui chauffe après quelques minutes et devient un radiateur-à-mains.

En surfant sur Facebook ce matin, une amie (merci Corinne Claire) m’a appris un nouveau mot, l’ultracrépidarianisme, pratique consistant à donner son avis sur des sujets hors de ses domaines de compétences. Comportement oh combien d’actualité ! Avant on disait cuistre pour qualifier le prétentieux qui étalait son avis sur tout et n’importe quoi, surtout ce qu’il ne connaissait pas.

Afin de ne pas prendre le risque d’être traité d’ultracrépidarianiste ou pire de cuistre, j’ai donc préféré jouer la prudence dans ce billet et ne parler que du temps qu’il fait.

Bon lundi à tous.

Juger, condamner, punir

Privé d’internet pendant trois jours, j’ai repris contact avec les réseaux sociaux (si peu !) hier soir et pris plein de coups de pieds dans les tibias… C’est effrayant  le nombre de juges qui sévissent actuellement sur Facebook, Twitter et autres. Quand ce n’est pas pour la lutte contre le réchauffement climatique, c’est pour le boycott de la Coupe du Monde au Qatar.

Que de gens me condamnent et veulent me punir ainsi que les millions, que dis-je les milliards, d’autres « complices » des plus gros émetteurs de CO2 et violeurs des droits de l’homme… Simplement parce que je regarderai sans honte, à l’abri des regards dans mon salon, quelques matchs de foot lors du prochain Mondial.

Alors soyons clairs tout de suite, je suis solidaire à 100% des combats pour la protection de la planète et contre l’exploitation des êtres humains et à mon niveau, j’essaie de me comporter en fonction… mais je n’ai pas à me justifier. C’est, en effet, devenu insupportable cette société où de plus en plus d’individus qui se croient vertueux jugent, condamnent et incitent à la pénitence – quand ils n’envoient pas des menaces – ceux qui n’agissent pas comme eux.

Cela sert à quoi, au fait, de se priver d’un match de foot quand on aime ça ? Cela me rappelle mon enfance chrétienne quand le frère instituteur nous interdisait le chocolat parce que le cacao était récolté par des « p’tits nègres » miséreux. La culture de la punition et de l’auto-flagellation est non seulement inutile, elle est perverse car elle donne bonne conscience et soulagent donc ceux qui n’agissent pas réellement, en mettant la main à la poche par exemple, pour des solutions concrètes.

Celui qui regardera la Coupe du Monde pourra aussi s’informer des horribles dérives qui l’entourent. Peut-être même, dirais-je, au contraire car il aura l’occasion de suivre les reportages in situ. Un ex-grand joueur de foot, Eric Cantona pour ne pas le citer, un des porte-paroles de la campagne de boycott dit avec beaucoup d’élégance qu’il n’en « a rien à carrer que la France gagne ou perde dans cette grande mascarade » et que dans la vie, il y a des choses bien plus importantes que le foot. D’accord avec lui mais admettons que c’est facile à dire quand on a réalisé comme lui tous ses rêves d’enfant dans ce sport, lui qui en fut une star (et entre nous, pas toujours exemplaire). Alors culpabiliser les fans de foot qui attendent ces grandes compétitions et les joueurs qui vont vivre un des moments les plus importants de leur carrière, c’est insupportable. Non, ils ne sont pas responsables (et moi non plus) des choix de la FIFA ni des crimes du Qatar. Non, nous ne sommes pas responsables, e.a., des conditions atroces de l’extraction du cobalt en Afrique nécessaire à notre GSM, faut-il aussi le boycotter ?

Informer, conscientiser, oui. Condamner, culpabiliser, punir, non. Personne n’a à juger personne, chacun est juge de ses actes.

Trois p’tits jours…

… et puis s’en vont. Et voilà, c’est déjà fini. Escapade sur la côte d’Opale, c’est tout près, 2h30 de route, des lumières à couper le souffle, des vagues de bonheur, du vent dans les idées, de la musique dans les fleurs, des mots et des croquis dans mon carnet.

 À Boulogne-sur-Mer, devant la mairie, un jardin éphémère célèbre la musique. Des instruments sont disposés parmi les fleurs, des bancs en forme de clavier et des chaises de violons accueillent les touristes fatigués de marcher. Hier, en plus des mouettes et des pigeons, des centaines d’enfants piaillaient autour de nous. Ils étaient venus avec leurs instituteurs visiter la vieille ville, son château et ses remparts à l’occasion des Journées du Patrimoine. J’ai entendu un magnifique slogan pour cet événement à la radio, j’aurais bien voulu l’écrire, « c’est la journée du patrimoine, je lève les yeux ».

Moi je laisse traîner mon oreille clandestine vers les différents groupes qui m’entourent. Une des profs a fait asseoir sa classe par terre devant une belle maison et demandé aux gamins de prendre leur crayon et leur carnet : « Vous avez trois minutes pour dessiner cette vieille et jolie façade ». C’est pas beaucoup M’dame ! rigole un enfant. « C’est assez pour admirer » dit la maîtresse.

J’ai regardé les marmots, je les enviais, et puis j’ai sorti mon carnet et j’ai croqué, enfin j’ai essayé, la « vieille et jolie façade » du piano en face de moi parmi les fleurs.