Araignée du matin

On connaît tous l’adage « araignée du matin, chagrin ». C’est un signe de pluie, paraît-il, et donc de journée morose.

Mais moi, j’ai une autre approche. Quand je vois une araignée au réveil, je me dis que c’est une bonne nouvelle. Ce matin quand je l’ai remarquée accrochée au rideau de ma chambre, je me suis senti comme soulagé. Ouf ! Aujourd’hui, je ne l’aurai pas dans le plafond. Pas de bazar dans ma tête, pas de dérangement, pas de déséquilibre, pas de migraine. Souvent, en effet, après le réveil, j’ai besoin d’un laps de temps plus ou moins long pour ranger le fourbi douloureux qui m’encombre l’esprit. Ceux qui sont sujets à la migraine me comprennent, commencer la journée avec un mal qui vous taraude la cervelle est pénible. Alors quand je vois l’arachnide se balader sur la tenture, j’imagine que c’est ma céphalée qui s’éloigne de mon crâne.

J’ai lu quelque part sur internet que le « message » de l’araignée était qu’elle vous invitait à revenir à vous, en votre centre, à vous reconnecter à votre univers … Oups, je n’ai pas lu plus loin, trop d’introspection risquerait de faire revenir Spiderman dans mon plafond.   

Ça va ma vieille ?

Alors docteur, comment va-t-elle ?

Le praticien ne me répond pas et me fait signe d’aller plus loin, il est interdit de zoner dans la zone où il exerce. Il est actuellement sous les jupes de ma vieille compagne de voyage et contrôle si tous ses organes sont en bon état. Pas de traces d’usure, articulations ok, … rien n’échappe à son œil de lynx. Mais je m’inquiète un peu, il ne faudrait pas qu’il lui trouve une faiblesse voire une maladie cachée. J’ai encore besoin d’elle, je ne voudrais pas être obligé de la mettre au rencart. Ne le répétez pas, ce n’est pas bien vu de nos jours, mais moi je suis pour la retraite le plus tard possible.

Bien sûr, je sais que je devrai la ménager, ne pas la brusquer, ne pas lui demander de prester comme une jeunette. Mais j’attends encore pas mal de services de sa part. Elle n’a finalement que 7 ans de bons et loyaux services avec certes quelques heures de vol comme on dit vulgairement, plus de 200.000 km au compteur.

Pendant que je gamberge, le contrôleur termine son travail et remplit sa fiche d’analyse qu’il porte maintenant au bureau. Impossible de lire son verdict sur son visage, il me dit juste d’attendre qu’on m’appelle. Encore quelques minutes à patienter dans les courants d’air du hangar… on demande le numéro 776 au bureau, ah ! c’est moi. Une jeune dame souriante achève de glisser quelques papiers dans une farde en plastique qu’elle me tend, c’est en ordre, Monsieur, le contrôle technique de votre voiture est en ordre, juste un petit point à vérifier lors de votre prochain entretien: votre filtre à particules. C’est 55, 70 euros, vous payez par Bancontact ?

Je suis ravi, ma teuf est encore bonne pour le service jusqu’à l’année prochaine. Depuis toujours, j’essaie de garder mes voitures le plus longtemps possible, vieux réflexe que mes parents m’ont inculqué : on ne jette pas les objets tant qu’ils ne sont pas complètement foutus. Pas simple aujourd’hui alors qu’on nous pousse à toujours acheter du neuf. Surtout en matière automobile. C’est plus écologique paraît-il. Mouais, ça reste à démontrer. Mais que ferais-je d’une nouvelle bagnole alors que celle-ci est encore parfaitement opérationnelle. Oui, d’accord, comme moi, elle est un peu cabossée, ses articulations grincent parfois, elle consomme un peu trop, elle n’est pas très silencieuse… mais n’est pas encore, loin de là, une épave.  

Comme elle, moi aussi jusqu’à présent, je réussis tous les contrôles techniques. Alors surtout ne changeons rien, continuons comme ça.       

Qué couillon ! 

Précisons d’abord : en wallon, couillon ne signifie pas imbécile mais couard sympa. Oui, le fameux jacquemard qu’on appelle Jean de Nivelles et qui sonne les heures au sommet de la tourelle sud de la Collégiale de Nivelles est un couillon. C’est en tout cas ce que raconte la légende. Fils du Duc de Montmorency, il fut envoyé en 1449 par son père à la guerre contre les Bourguignons aux côtés de Louis XI, roi de France. Sauf qu’il n’y arriva jamais, préférant les plaisirs de la vie aux honneurs des champs de bataille, Jean s’enfuit avec son cheval et son chien vers le Nord rejoindre le fief de Nivelles où il possédait un château hérité de sa mère. Son père, ivre de rage, lui donnera alors le surnom de « Chien de Jean de Nivelles qui s’enfuit quand on l’appelle ».

Entre Histoire avec un grand H, aventures légendaires, anecdotes truculentes et anachronismes imaginatifs, une splendide BD créée par Michel Vandenbroucke, professeur de dessin à la retraite, nous fait vivre les péripéties de ce déserteur qui deviendra Seigneur de Nivelles, bon vivant, pacifiste et héroïque à ses heures et surtout amateur de bonnes bières et de la fameuse tarte al djote, le fleuron gastronomique de la Ville (pour estomacs solides hein !).

Mais ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler les aventures cocasses de ce chouette album ni son épilogue amoureux… à vous de les découvrir* verre ballon et tarte verte en mains…sans faire de taches de djote ni de fromage sur les pages.

Jean de Nivelles qué couillon? … pas vraiment en fait, mais plutôt formidable compagnon nivellois. Que serait, en effet,  le temps qui passe dans notre Ville sans ce joyeux sonneur de cloches et les rayons de soleil sur sa tenue d’or ?

* J’ai reçu cet album il y a deux ou trois semaines en cadeau de mon jeune frère (merci Philippe) et un ami, proche de l’auteur, m’en parlant ce midi m’a dit pourquoi ne donnerais-tu pas dans un prochain billet un coup de pouce au héros qui donne tant de coups de marteau sur les cloches de notre collégiale ? Même si je ne suis pas fan de bandes dessinées, j’ai lu celle-ci avec plaisir et vous la recommande. L’album est disponible soit à Office de Tourisme de Nivelles, soit directement chez l’auteur (papymik@gmail.com).

Est-ce que ce monde est sérieux ?

Je n’ai pas à me mêler de la politique chez mes voisins.

Quoique. Depuis le temps que la France n’est plus seulement la France, la Belgique la Belgique, nous sommes européens et dès lors, émettre un avis sur ce qu’il se passe de l’autre côté de la frontière n’est pas interdit.

Je peux comprendre qu’il est difficile de travailler jusqu’à 64 ans (je sais, je l’ai fait jusqu’à 68). Surtout quand on exerce un métier difficile (mais il y a beaucoup d’exceptions dans la nouvelle loi pour les métiers dits pénibles quand même). Je peux comprendre qu’il est difficile de renoncer à ce que l’on croyait des privilèges éternels. Je peux admettre que l’on lutte pour préserver sa qualité de vie. Que l’on lutte oui mais pas que l’on foute tout en l’air.

Je ne comprends pas cette furie dans l’opposition, cette récurrence extrême à presque chaque nouvelle mesure, cette outrance dans le vocabulaire à l’égard d’un gouvernement et d’un président démocratiquement élus accusés d’absolutisme, de dictature, de tyrannie, de mépris du peuple etc. même si l’on peut reconnaître qu’ils ne sont pas toujours très (a)droits dans leur communication. Mais quand même. Ces mots ont réellement du sens dans d’autres parties du monde, l’Ukraine, la Syrie, l’Iran, la Chine, l’Afrique, pour n’en citer que quelques uns.

Mais chez nous, ou chez vous amis voisins, il faudrait peut-être raison garder.

À force d’hurler au loup, il finira par arriver, en meutes !

C’était chouette

Cet après-midi, je me suis rendu avec mon petit Cyril à l’expo Pouvoir & Folie de mon ami Alain Godefroid et des élèves du Collège Saint-Hubert d’Auderghem. Thématique: comment et pourquoi le pouvoir absolu conduit-il parfois ceux qui l’exercent à la paranoïa et la mégalomanie avec leurs corollaires, la tyrannie, la cruauté, les massacres, les persécutions ?

Créateur d’une série de portraits saisissants de monstres historiques ou actuels, Alain a accompagné des élèves de 5ème primaire et de rhétorique dans un travail graphique, philosophique et historique que l’on peut découvrir dans le splendide site du Rouge-Cloître.

J’avais parlé de cette expo à mon petit fils de 11 ans il y a quelques jours et lui avais demandé qui était pour lui la personnalité qui l’effrayait le plus, question qu’avait posée Alain aux enfants les invitant ensuite à en faire un portrait caricaturé à l’instar des siens.

Cyril réfléchit et me répondit : « Pour moi, c’est mon prof… ». Puis, voyant mon étonnement : « … je rigole, papi, c’est Poutine et Kim-Jung-Un ». Ça t’intéresserait d’aller voir l’expo d’Alain ? « Ben oui, pourquoi pas ! ». Et nous voilà donc quelques jours plus tard accueillis par l’artiste qui nous explique sa démarche et nous invite à parcourir les deux étages de l’expo à notre aise.

Cyril est très intéressé, s’arrête devant chaque tableau et me pose beaucoup de questions sur les personnages tous plus interpellants les uns que les autres. Il s’attarde entre autres devant Amin Dada couvert de centaines de médailles, de Napoléon minuscule sur son immense cheval blanc, de Bolsonaro brandissant une tronçonneuse ensanglantée et… de Greta Thunberg grimaçante dessinée par un(e)élève.

« M’enfin, papi, c’est quoi ça, Greta Thunberg n’est quand même pas un monstre qui fait peur, je ne comprends pas…». C’est ça la liberté d’expression, lui dis-je, c’est ce qu’Alain nous a dit tout à l’heure, le but du travail est surtout de nous faire réfléchir et de provoquer le débat… J’entends alors Cyril marmonner dans ses dents « pour moi, c’est tout réfléchi, celui qui me fait peur, c’est celui qui l’a dessinée ! ».

À la sortie, il a écrit quelques mots dans le livre d’or que j’ai lus par dessus son épaule « C’était chouette, Cyril ».

Beaucoup bonheur

La vieille roumaine* assise par terre près des caddies me tend un bouquet de jonquilles, m’adresse un sourire commercial et me dit « Beaucoup bonheur dans ta maison ». Je lui demande si elle n’a pas froid, elle me répond « Beaucoup bonheur dans ta maison ». Ce sont probablement les rares mots qu’elle connaisse en français. Elle a bien appris sa leçon, elle prononce bien le joli slogan que lui a écrit, j’imagine, son mec (ou plutôt son mac), ce type qui chaque matin la dépose, elle et d’autres pauvres femmes immigrées sur les parkings des supermarchés pour faire la manche.

Je n’ai qu’un billet de cinquante euros en poche, je lui dis que je vais faire quelques courses et que je reviens vers elle avec de la monnaie à ma sortie du magasin. Je ne suis pas sûr qu’elle me comprenne. « Beaucoup bonheur dans ta maison » me répète-t-elle. J’ai tenu ma promesse, je lui ai acheté le petit bouquet, et elle m’a répété encore une fois sa courte litanie.

Sur le canal qui longe le parking passe doucement une péniche, quelques mouettes l’accompagnent, le soleil fait des clins d’œil, je photographie le bouquet jaune pétant (on a tant besoin de cette couleur en cette fin d’hiver) pour vous qui me lisez et vous dis «Beaucoup bonheur dans ta maison ».

* Oups ! je risque d’être taxé de discrimination, on ne dit pas la « veille roumaine » mais « la dame d’un certain âge originaire d’un ex-pays de l’est ».  

Cabane

On a tous un jardin, un grenier ou un coin secret.

Moi, c’est la vieille cabane où j’entrepose ma bêche et mes autres outils de jardinage, la gare imaginaire où je me réfugie quand je veux descendre du monde qui tourne trop vite pour moi. Assis sur son vieux banc bancal, j’en ai grillé des cigarettes quand j’étais fumeur, j’en ai capturé des idées de textes dans ses toiles d’araignées, j’en ai lu des pages sous le tambour de pluie battant son toit ondulé, j’en ai rêvassé des voyages face à l’étang et ses canards, j’en ai croqué des pommes et des mirabelles de mon verger…

Cette vieille cabane est un bunker qui me protège, un des rares endroits où je me sens totalement libéré de toute obligation et libre de tout rêve.  

Alors, je viens faire moi-même le mélange des couleurs
Sur les murs de ma cabane de bêcheur, de lecteur, de … glandeur.

Dans la jungle terrible jungle…

J’ai rassemblé mes vidanges dans un grand sac pour les rapporter à mon Delhaize comme je le fais chaque mois. Mais voilà, arrivé au supermarché, les portes sont closes. J’avais oublié que c’était grève.

Dans la galerie commerçante, des hommes et des femmes, surtout des femmes, montent la garde devant les volets baissés. Aujourd’hui, pas d’uniforme rouge avec l’écusson du Lion. Non aujourd’hui, on est en civil. En citoyens. Inquiets, tristes, dégoûtés. Leur entreprise les laisse tomber. Une des plus florissantes et charismatiques de Belgique dont ils et elles étaient fiers. Créée en Wallonie en 1867 par deux frères épiciers visionnaires, Delhaize était devenu une chaîne de supermarchés légendaire non seulement en Belgique mais aussi ailleurs en Europe, en Asie et aux USA.

Dans les années 80, j’ai eu le plaisir de travailler en tant que copywriter pour cette grande enseigne. Avec ma directrice artistique de l’époque, Michèle Christiaens, nous avons même gagné le Gold Award TV de l’année pour la création d’un spot Delhaize. C’est dire si Le Lion a laissé une griffe dans un coin de mon cœur. Oui, de mon cœur. On ne travaille pas seulement pour l’argent, on peut aussi s’attacher presqu’affectueusement à son entreprise et ses clients.

Il y a quelques jours, Delhaize Le Lion a créé la surprise, la stupéfaction même, en annonçant son intention de franchiser ses 128 magasins propres. Il ne s’agit certes pas d’un licenciement des 9000 employés concernés qui garderont, promet l’enseigne, leur emploi et leurs conditions de travail (mouais !). Mais quand même. Delhaize les laisse tomber et s’en lave les mains, les futurs gérants des supermachés qui garderont le nom Delhaize seront leurs réels patrons et appliqueront leurs propres critères de gestion de personnel. Dans la plupart des cas, le personnel sera fragmenté en effectifs inférieurs à 50 salariés qui dès lors ne bénéficieront plus des mêmes acquis sociaux qu’aujourd’hui ni des mêmes protections (pas de délégué syndical dans les sociétés de moins de 50 employés). On sait ce que ça veut dire. Déjà que le personnel de la grande distribution n’est pas des plus gâtés.

Sur les volets clos de mon supermarché, caissières, réassortisseurs et autres employés ont collé des papiers écrits de leurs mains exprimant leur déception, leur angoisse, leur colère. Un m’a particulièrement ému « J’ai 61 ans, je travaille pour Delhaize depuis 37 ans, je suis triste et déçue, le Lion m’a abandonnée ».

Je reste songeur devant ce témoignage. Et solidaire avec cette dame au cœur brisé en fin de carrière. Il n’y a pas, en effet, que les directeurs, les publicitaires et ceux qui ont une place en vue qui s’attachent émotionnellement à leur boîte. Une caissière, une réassortisseuse ou une technicienne de surface peut aussi et tout autant nourrir du sentiment et de la fierté pour son enseigne et être blessée quand celle-ci la largue.

Dans la jungle, terrible jungle, le Lion est mort ce soir…

Il n’a pas plu de tout le dimanche

Hier, enfin, le soleil a brillé toute la journée, aujourd’hui un peu de bruine ce matin et puis temps sec (disons, sans gouttes) sous un ciel couvert certes mais quel bonheur de ne pas se mouiller la tête deux jours de suite.

J’ai lu en deux soirées le dernier livre de Jean-Louis Fournier, un auteur que j’apprécie beaucoup. Tout d’abord parce qu’il m’a souvent inspiré, d’abord par ses textes courts, proches de billets d’humeur mais aussi et surtout par son humour grinçant, son sens de la dérision et la profonde pudeur qu’il dissimule derrière ses bons mots.

Son dernier livre Veuf cherche femme immortelle (JC Lattès) est un recueil de lettres qu’il a reçues en réponse à une petite annonce qu’il a publiée « Veuf cherche femme immortelle ». Ne supportant pas la solitude après le décès de sa Sylvie adorée, Jean-Louis ne veut pas être veuf une seconde fois. De nombreuses femmes, des anonymes et des célébrités de toutes les époques lui répondent. Mais comment choisir celle qui lui convient ? Jean-Louis demande conseil à sa Sylvie disparue qui lui envoie ses commentaires depuis le ciel. Humour et amour sont toujours au rendez-vous.

C’est un livre qu’on lit le sourire aux lèvres mais aussi la larmichette à l’œil, même si l’on est un vieux de la vieille qui se croit endurci et insensible. Entre les mots amusants, comme entre des gouttes de pluie, se glissent beaucoup d’émotion et de tendresse.

À méditer, par exemple, quand les gouttes ruissellent sur nos visages, cette jolie définition de la pluie qui ne nous fera plus jamais la détester : « Qu’est-ce que j’en sais ? Peut-être qu’on pleure au ciel. La pluie c’est peut-être les larmes de ceux qui regrettent de ne plus être vivants ».   

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Mélancolie

L’érable tend ses bras nus vers le ciel, il ne lui manque que la voix pour geindre. La mélodie sciante de la tronçonneuse s’est enfin arrêtée. Le supplice est terminé. L’élagueur sans états d’âme vient de le tailler avant le retour de la belle saison et la montée de la sève.

À chaque fin d’hiver, c’est le même scénario, il faut raccourcir les arbres du jardin, leur redonner une belle forme, les rafraîchir pour le printemps. Mais comme un enfant qui va se faire tondre les cheveux chez le coiffeur, l’érable n’aime pas ça. Le chêne non plus, de même que l’aulne, le prunier, le bouleau, le pommier, bref, tous les arbres du jardin détestent être délestés de leurs ramures et broussailles inutiles.

Moi non plus je n’aime pas ce moment. Enfin, je n’aime plus. Il me rappelle trop les heures passées avec mon frère Jean-Pierre à couper, tailler, tronçonner, fendre. Chez moi dans mon jardin, chez lui dans son grand bois et chez ses clients quand il avait besoin d’un coup de main les week-ends. L’odeur de la sciure et des copeaux et de la bière fraîche quand nous avions fini la besogne me manque. Mon frère n’est plus là et mes forces bûcheronnes non plus.

Caché derrière le rideau du living, j’observe l’élagueur sur son échelle ou perché au sommet du chêne accroché à ses cordes. J’admire son travail, son habileté, son courage. Et je l’envie malgré qu’il neige de la pluie ou si vous préférez, qu’il pleuve de la neige. Il fait un froid de canard, le garçon dégouline de partout mais  comme mon frère et moi à son âge, il ne sent pas ça, il travaille sans rechigner. « Vous allez quand même travailler par ce temps pourri ? » lui ai-je demandé quand il est arrivé aux petites heures. « Y a pas d’avance, si je ne travaille pas quand il pleut, je ne vais pas gagner ma vie, on est en Belgique, faut faire avec » m’a-t-il répondu en enfilant son ciré. On aurait dit mon frère qui parlait.

Je regarde mon érable tout décharné et oui, j’ai un petit coup de blues. Mais cela ne dure pas longtemps. Je pense aussitôt au printemps quand il va retrouver le vert tendre de la jeunesse, puis au vert vigoureux de l’été et au rouge vif de l’automne. Les belles couleurs de la vie qui effacent les mélancolies de la fin de l’hiver.