Archives mensuelles : mars 2021

Non, rien

« Si on peut trouver moins que rien, c’est que rien c’est déjà quelque chose » disait Raymond Devos dans son fameux sketch « Parler pour ne rien dire ».

C’est l’objet de mon blog de s’intéresser aux petits riens… qui parfois en disent néanmoins beaucoup. Voilà près de dix ans déjà que chaque jour, j’écris quelques mots pour « rendre grâce à des riens » comme l’a joliment écrit le poète Michel Baglin dont j’ai repris pour l’entête de mes billets un vers extrait de son recueil L’alcool des vents (éd. Rhubarbe)

Ce matin, pas le temps de me mettre au clavier, je n’écrirai pas grand-chose aujourd’hui, probablement même rien. J’ai du travail : les mercredis depuis cette année confinée sont désormais consacrés à la cuisine pour mes enfants et petits-fils.

La première pomme de terre que je puise dans le sac pour la préparation du repas gratin a une forme bizarre. Ce n’est qu’une patate et il n’y a rien à dire ou presque à propos d’une patate.

Quoique. 

Notes d’hosto

J’attends dans ma voiture sur le parking de l’hôpital CNDG de Gosselies. Il est 8 heures du matin, j’ai conduit ma femme pour un examen de routine. J’ai pris un livre, mon smartphone, mon calepin et mon crayon, l’heure d’attente devrait passer assez vite.

Je commence par lire quelques pages mais je suis distrait. J’allume alors mon smartphone… et puis non, perte de temps. J’ouvre mon calepin et les yeux. Je regarde autour de moi et je note presqu’en écriture automatique ce que je vois. Des gens. Qui arrivent, regards inquiets, visages que je devine crispés derrière les masques. Tous marchent vers la réception de la clinique. Généralement vite sauf l’un ou l’autre comme ce vieux monsieur par exemple qui boîte et s’appuie sur le bras de son fils. La plupart portent une valise ou un sac. C’est l’heure des admissions pour les hospitalisations.

Une femme très énervée houspille son mari qui traîne dix mètres derrière elle. Je ne comprends pas ce qu’elle dit mais je ressens plus de stress que de colère dans son énervement. Les femmes sont fortes pour dépasser les peurs de leur homme. Je regarde vers son mari, il porte un sac de sport boudiné, il vient sans doute ici pour plusieurs jours, il n’avance pas, il retarde le moment d’entrer, il angoisse à mort.

Une maman avec sa petite fille est plus « joyeuse », elle porte un gros sac à dos de couleurs lui aussi bien rempli. L’enfant qui lui donne la main saute sur une jambe puis l’autre, elle l’imite, on dirait deux copines qui se rendent à une fête. J’entends leurs rires quand elles passent près de ma voiture, les éclats de la maman sont forcés. Les mamans sont fortes pour rassurer leurs enfants.

Le vieux monsieur qui boîte marche et respire difficilement bien que son masque soit sous son nez. Heureusement son fils le soutient. Il a des gestes très doux avec lui. Les fils sont forts pour protéger leur vieux papa. La valise qu’il porte contient sans doute une boîte pleine de médicaments, un pyjama confortable, un gros pull et des pantoufles pour le vieil homme qui semble plus résigné que le gars au sac de sport. Il est manifestement beaucoup plus âgé et n’en est probablement pas à son premier séjour.

Ce que j’écris dans ce billet est assez décousu car je recopie presque littéralement ce que j’ai écrit ce matin dans mon Moleskine. Mon porte-mine suivait mon imagination et ma compassion dans l’accompagnement de ces gens qui bien qu’inconnus me touchaient comme s’ils étaient des proches.

En grattant mon papier, je pensais au dernier roman émouvant de David Foenkinos, LA FAMILLE MARTIN (voir mon billet Ordinaire – 08 12 2020) pour l’écriture duquel il était descendu dans la rue, avait arrêté la première personne rencontrée et décidé qu’elle en serait l’héroïne. Les gens que j’observe sur ce parking sont aussi les héros d’une histoire. La leur. Qu’ont-ils vécu avant d’arriver ici ? Que vivront-ils demain derrière les murs de cet hôpital ? Quelles sont les émotions qui les traversent maintenant ? Les peurs, les espoirs, les combats ou déjà les abandons ?

Je suis soudain arraché à mes pensées par la sirène d’une ambulance qui déboule de l’autre côté du bâtiment blanc où se situe l’entrée des Urgences. Je referme mon carnet, j’arrête mes notes.  On n’est pas dans un roman ici mais dans la vie, dans un de ses épisodes difficiles.

Perspectives

Tout a déjà été dit et écrit sur le printemps. Les fleurs, les oiseaux, la brise, le soleil, le vert tendre…

Le mois de mars d’Alfred de Musset qui voit s’ouvrir l’anémone sauvage aux corolles tremblantes…

Le mois d’avril de Gérard de Nerval quand après des jours de pluie, surgit en un tableau, le printemps verdissant et rose

Le mois de mai de Guillaume Apollinaire, le joli mai qui a paré les ruines de lierre, de vigne vierge et de rosiers…

Oui tout a déjà été dit et écrit sur le printemps. Le renouveau, l’espoir, la liberté, la vie… Mais il y a des années où l’on n’y croit plus, où l’on broie du gris, où l’on manque d’air et de perspectives.

Et soudain, un bourgeon, un ramage de pinson, un ciel bleu et l’on se remet à espérer avec Victor Hugo : Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire ! Voici le printemps ! Mars, avril au doux sourire, mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !

Pensées

Une idée lumineuse

Une réflexion intelligente

Une critique constructive

Un concept révolutionnaire

Une opinion favorable

Un sentiment de bonheur

Un éclair imaginatif

Un jugement sensé

Une rêverie mélancolique

Une élucubration délirante

Une illusion amoureuse

Un songe passager

Un fantasme inavouable

Une hallucination collective

Une trouvaille géniale

Une folie furieuse

Je choisis quoi ?

Une pensée positive

En tout cas !

Grandfather’s tomato sauce

Dans tous les bons films sur la mafia, il n’y a pas que l’hémoglobine qui rougit l’écran, il y aussi de la sauce spaghetti et boulettes. Dans The Godfather 1, un des plus fidèles lieutenants du parrain, en plus d’être un méchant truand est aussi un super-cuistot. Dans une mgnifique scène qui sent bon la cuisine, on le voit révéler sa recette secrète au fils du patron au cas où “il aurait un jour à cuisiner pour 20 personnes”. Francis Ford Coppola aurait dit qu’il s’était inspiré de la recette de sa mère pour cette séquence et qu’il l’avait décrite en détail au cas où son film serait un flop, les spectateurs auraient ainsi au moins appris quelque chose.

Moi ce matin, je ne suis pas un Godfather et je ne cuisine pas pour 20 personnes mais comme chaque mercredi, en bon Grandfather, je joue “traiteur” pour mes petits-fils et leurs parents. Je prépare de délicieuses boulettes de veau à la sauce osso bucco à ma façon. Enfin, quand je dis à ma façon, j’avoue m’être beaucoup inspiré de la recette de Pete Clemenza le bras droit de Vito Corleone.

D’abord parce qu’elle est excellente. Ensuite, parce que je n’oserais pas contredire ce genre de bonhomme.

Batteur d’amour

(Posterous – January 18 2013, 11:25 AM  by Michel Collart)

Nous sommes dix à table. Dix vieux de la vieille, dix dinosaures de la réclame. Sauf deux dames qui restent évidemment éternellement jeunes.

Des copywriters, des directeurs artistiques et un musicien qui pendant des années, des décennies mêmes, ont chacun à leur niveau fait tourner les serviettes de la pub en Belgique.

Aujourd’hui, d’autres ont pris la relève, ce qui nous laisse le temps d’organiser de temps en temps une grosse bouffe de retrouvailles. Pour notre lunch festif de début d’année, nous avons choisi de nous réunir au Youkounkoun Palace à Beersel. Parce que rien que le nom de ce resto est déjà une fête !

Devant moi, Jean-Pierre, « the » drummer of Belgium. Un batteur, un musicien, un compositeur, un ami au talent exceptionnel. C’est avec lui que j’ai eu la chance de créer mes meilleures bandes-son de spots de pub, TV et radio.

Entre verres de blanc et de rouge, on évoque mille souvenirs. Des formidables et d’autres moins. Jean-Pierre, par exemple, me rappelle, avec humour, combien les textes que j’essayais de « placer » quand il composait des chansons pour des artistes à succès n’étaient pas terribles et manquaient d’âme, de vécu. « Pas comme tes billets aujourd’hui » me dit-il gentiment. Mais il me félicite et me remercie aussi pour la collaboration joyeuse, créative et libre que nous avons eue sur quelques campagnes de pub réussies.

Nous blaguons, nous nous chambrons, nous rigolons. Nous picolons aussi. Et Jean-Pierre nous explique ce qui fait la différence entre les grands batteurs et les autres :

Le swing, le feeling et surtout le laid-back…

– Le quoi ?

– Le laid-back, l’art de temporiser le tempo, de rester cool en arrière du temps. Tu vois, Michel, dans tout son bazar qui fait du bruit, le batteur a une caisse claire pour rythmer le morceau derrière ses musiciens. Souvent, il doit ralentir la cadence pour éviter qu’ils s’emballent et se plantent. C’est ça la force du batteur : maîtriser le tempo. Sais-tu que c’est pour cette raison que les batteurs ont beaucoup de succès auprès des femmes ? 

– Euh, non…

– Quand ils font l’amour, ils savent contrôler le laid-back…

Tine à ma gauche et Françoise à ma droite sont toute ouïe évidemment. Jean-Pierre savoure, moi je persiffle :

– Hé Jean-Pierre, tu devrais peut-être jouer laid-back avec le rouge, non ?

Photo from https://saxofan.fr/baguette-batterie/

Ras le bol

J’ai dû me rendre ce matin à l’hôpital pour des examens sans gravité. « Vous voyez le chirurgien quand ? » me demande la doctoresse qui vient de m’examiner. J’ai rendez-vous dans quinze jours… « si tout va bien » m’interrompt-elle. Pourquoi ? « Parce que plus rien n’est sûr avec le rebond du Covid, les entrées à l’hôpital sont fortement reparties à la hausse et on ne sent pas que la population en est consciente. Merci à tous ces cons (sic) qui se prennent pour des scientifiques et qui diffusent des âneries sur Facebook. Qu’ils viennent donc prendre notre place s’ils savent mieux que nous, moi je n’ai fait que 12 ans d’études universitaires pour être ici mais apparemment eux sont plus experts ! Vous savez, Monsieur, que 50% des infirmières et 30% des médecins en ont super-marre et souhaiteraient tout arrêter quand ils voient comment une partie grandissante du public gobe les bêtises et refuse de voir la réalité au lieu de leur faire confiance.. On perd une énergie dingue à argumenter auprès de nos patients et leurs proches pour qu’ils respectent les mesures et se fassent vacciner, hélas, souvent en vain. Je viens de me faire insulter par un Monsieur à qui j’avais osé rappeler qu’il devait porter son masque dans la salle d’attente. Excusez-moi, si je suis encore un peu énervée. Mon sang n’a fait qu’un tour, même si je ne peux pas réagir comme ça, je n’ai pas pu résister : je lui ai dit de dégager et d’aller se faire soigner ailleurs ! » Bravo Madame ! Vous avez raison.

Si vous aussi, vous pensez que ce virus est insignifiant, que vous savez mieux que personne et surtout les soignants comment y faire face, si vous refusez les mesures sanitaires et le vaccin, faites ce que vous voulez mais à distance de moi et… s’il vous plaît, FOUTEZ-MOI LA PAIX sur Facebook.

Beau lundi à tous !

Éphémère

Je ne connais rien du Japon. Je ne pense jamais à ce pays sauf en mars. Quand je cueille dans mon jardin les premières branches fleuries des prunus qu’on appelle aussi cerisiers du Japon.

Je viens de lire quelque part que le coup d’envoi officiel de la floraison des cerisiers du printemps 2021 avait été donné à Tokyo cette semaine. Ce n’est pas de la plaisanterie là-bas, c’est un rituel ancestral pratiqué dès qu’au moins cinq fleurs aient fait leur apparition sur les cerisiers Somei-Yoshino du sanctuaire Yasukuni-jinja.

Au japon, les cerisiers sont plus que des arbres ornementaux, ils symbolisent toute une tradition. Celle de la célébration de la beauté des choses éphémères. Les pétales des sakura, ces arbustes aux délicates fleurs blanches et roses, ne restent pas longtemps accrochés à leurs branches. Dès qu’il s’élève, le vent les fait tourbillonner comme nos feuilles d’automne. Et c’est alors un spectacle féérique qui réunit dans les parcs de nombreux promeneurs venus expressément, parfois de loin, admirer cette splendeur qui passe si vite.

Et philosopher sur le bonheur, l’art de savourer l’instant présent.

Libres et gais

Les cols verts se déplacent généralement par deux. Monsieur au col brillant et fier et Madame au plumage moucheté plus discret. Parfois par trois, deux mâles et une femelle quand celle-ci n’a pas encore décidé lequel des deux choisir.

Et plus rarement, deux mecs, deux copains ou, qui sait, deux amoureux.

Les deux que j’ai suivis lors d’une dernière balade au bord du canal me semblaient très unis, je les ai même vus se frotter le bec derrière un talus mais je ne les ai pas photographiés, je ne suis pas un paparazzi, je respecte leur vie privée.

Ces deux garçons m’ont fait penser à quelques amis gays qui vivent en couples et certains mariés. Alors qu’on croyait qu’officiellement la discrimination envers les homosexuels appartenait au passé, même si dans la vie ce n’est hélas pas encore toujours le cas, l’Église, la plus grande institution religieuse du monde, poussée dans le dos par la Traditionnaliste Congrégation pour la doctrine de la foi (tout un programme !), déclare par la bouche du pape que l’homosexualité est « un choix et un péché  » et que les mariages entre personnes du même sexe ne peuvent être bénis. Dieu ne serait pas d’accord !

Oups, mais qui sont ces juges dont la mission est de « promouvoir et de protéger la doctrine et les mœurs conformes à la foi dans tout le monde catholique » (source Wikipedia) ? Des cardinaux, des jésuites, des salésiens… bref, des gens très (?) impliqués dans la vraie vie, proches des autres. M’ enfin, votre job, vous les élites chrétiennes, ne serait-il pas plutôt de promouvoir et de protéger l’amour ? Sous toutes ses formes ? De bénir ceux et celles, celles et celles, ceux et ceux qui s’aiment – et aussi celles et ceux qui sont privés d’amour ? Qui êtes-vous pour décider qui Dieu tolère ou ne tolère pas ?

Dans son encyclique Laudato Si dédiée à la création et à l’écologie humaine (voir mon billet Bon climat du 03/12/2018), le pape François écrivait ces mots « ll est nécessaire d’avoir aussi recours aux diverses richesses culturelles des peuples, à l’art et à la poésie, à la vie intérieure et à la spiritualité ». J’ai bien lu di-ver-ses, non ? Mais finalement, l’important n’est pas là. Ce qui compte réellement c’est que ceux et celles, celles et celles, ceux et ceux qui s’aiment, quels qu’ils soient, soient bénis par le bonheur.

Et je regarde s’envoler les deux cols verts, libres et gais, la vie est belle quand on s’aime.

Je suis là

Je chipote devant mon portable. Je ne sais pas par où commencer mon billet du jour. Un peu cafardeux avec ces nouvelles du Covid qui reprend du poil de la bête comme pour fêter l’anniversaire du premier confinement entamé il y a un an. Depuis lors, nos relations sociales, amicales et familiales sont perturbées quand elles ne sont pas carrément à l’arrêt.

Et c’est à ce moment où mes pensées virent au pessimisme que je reçois un message de mon copain Jean-Luc qui vit en Italie. Il m’a envoyé hier soir deux textes de chansons en italien qu’il a écrites, très beaux et émouvants même si je n’en comprends pas toutes les nuances, mon italien n’est plus ce qu’il était avec ma mémoire qui flanche mais reste encore assez correcte pour apprécier. Comme je lui ai répondu que j’adore la chanson italienne de qualité, il m’envoie ce matin pour me souhaiter la belle journée un lien vers la bellissima Laura Pausini interprétant IO SI (SEEN), une chanson que je ne connaissais pas et dans laquelle elle répète en refrain des paroles si douces en cette interminable période de distanciation et d’éloignement : Sto qui Sto qui (je suis là, je suis là).

Une moment magnifique à partager avec ceux qu’on aime, Io si chanson officielle du film The Life Ahead (La vie devant soi) avec Sophia Loren, « primée aux derniers Golden Globe Awards et nominée aux prochains Oscars, rien que ça ! » me précise Jean-Luc.

Grazie mille mio caro amico !