Archives mensuelles : avril 2012

Repos

Je suis claqué. Je n’ai pas arrêté ce week-end.

Samedi matin, atelier copy à Mons. Samedi après-midi, accompagnement de mon équipe de tennis à Wanfercée-Baulet. Je n’ai toujours pas pu jouer à cause de cette maudite-entorse-coriace-qui-ne-veut-pas-se-résorber. Mais ne croyez pas que c’est de tout repos de regarder. C’est même plus épuisant que de courir. Surtout quand vous êtes le capitaine de l’équipe. Il m’a fallu endurer les reproches imbéciles d’un jeune blanc-bec juge-arbitre qui m’a agressé parce que j’avais commis – oh ! cataclysme atomique ! – une erreur de retranscription sur ma feuille de match. Je me suis, en effet, trompé dans l’ordre d’inscription des joueurs. Et cette faute nous a valu, tenez-vous bien, d’être scratchés (c’est comme ça qu’on cause dans le tennis) et de perdre notre match sur le score de forfait 8-0. Mes joueurs se sont bagarrés comme des (vieux) lions sur le terrain. Pour des cacahuètes. C’est sérieux la compétition chez les vétérans amateurs de seconde zone dans le Hainaut, bien plus que chez les pros à Roland-Garros. Moi, je pensais naïvement que si on empoignait encore une raquette à 60 ans, c’était pour le plaisir et le(s) verre(s) d’après match. Allez, on n’aura pas tout perdu quand même : on a dignement fêté notre défaite autour de l’excellent repas et du bon vin que nos adversaires nous ont offerts.

Je suis vanné. Je n’ai pas arrêté de la journée..

Ce dimanche, debout à 7h00. J’ai un gros boulot à remettre demain. Le lundi est une journée-marathon pour moi : 8 heures de cours. Non, je ne fais pas le pont du 1er mai, je fais un viaduc en classe, de 8h45 à 18h15. Donc je dois impérativement terminer ma mission aujourd’hui à savoir réécrire un spot TV que j’ai proposé il y a quelque temps déjà. Un mail m’a demandé hier soir de tout changer, et vite svp.

Les copywriters le savent bien mais ils ne s’y habituent pas. Leur premier script n’est jamais bien : trop simple, trop pur, trop pointu, trop nouveau. Trop créatif. Il faut toujours que quelqu’un les critique, les réoriente vers les bonnes-vieilles-idées-nulles-qui-marchent et guide ensuite leur stylo pour qu’ils n’écrivent plus de travers.

J’ai donc suivi les nouvelles instructions et recommencé le travail qui me prendra presque 3 heures. Vous n’imaginez pas les efforts que peut demander l’écriture d’un spot de pub de 30 secondes avant d’arriver au packshot de fin. Pendant que j’étais en fusion avec mon clavier, Marie-Thérèse est partie se balader, c’est dimanche quand même.

Au moment où j’ai suspendu l’activité de mon MacBook Pro, un visiteur sympa est passé me dire bonjour. Monsieur Soleil est resté deux bonnes heures en ma compagnie dans le jardin. J’ai profité de sa présence pour tondre les hautes herbes autour de la maison. Un travail crevant mais apprécié à sa juste valeur par la Reine de la Jungle à son retour d’escapade à l’AS Adventure et à l’Inno exceptionnellement ouverts ce dimanche.

Je suis épuisé. Je n’ai pas arrêté ce dimanche.

 Aux fatigués du vendredi qui disent Yes Week-End, je rétorque Youpie Lundi.

 

Dehors

Pluie ou éclaircies ? Caillant ou supportable ? Dedans ou dehors ?

Pas facile de prendre la décision de jouer à l’extérieur sur la Grand Place de Nivelles.

Vendredi fin d’après-midi. Les décors sont plantés, les kilomètres de câbles et les spots sont en place ainsi que la scène de l’orchestre, la tente du matériel du son, les tonnelles d’accueil, les piles de couvertures pliées pour les spectateurs, les chaises, les gradins… tout est prêt. Ce soir, c’est la première du grand spectacle musical 1830.

Une centaine de choristes, 25 comédiens, un orchestre de 5 musiciens, des ingénieurs du son, des techniciens, des électriciens sont sur pied de guerre dans les cloîtres de la Collégiale transformées en coulisses et salle de répétition.

La directrice du Centre Culturel est plongée dans un stress insoutenable. C’est elle qui doit décider. Dehors ou dedans ? Le spectacle est prévu dans deux mises en scène : une grandiose à l’extérieur au pied de la magnifique Collégiale et une alternative plus traditionnelle à l’intérieur du Waux-Hall où l’on a quand même monté deux scènes mobiles en plus des planches classiques. Le spectacle doit commencer à 20h30. Dehors ou dedans ?

À 18h00, au plus tard, il faut décider afin de laisser un minimum de temps aux derniers réglages et préparations des artistes. Branchée sur plusieurs prévisionnistes météo, la directrice se ronge les doigts. Grâce à leur matériel GPS, les météorologues peuvent prévoir les averses, quasi à la minute, dans les endroits les plus localisés. Mais on ne sait jamais, quand même.

Je suis sur une terrasse pas loin de l’enceinte bâchée, je prends un café avec ma femme en attendant les nouvelles. Ma fille fait partie des choristes. Et je stresse à distance avec elle. Le spectacle de ce soir est une aventure exceptionnelle, comme toute création originale, à laquelle ont participé des centaines de personnes – 4 pages de générique dans le programme de présentation et encore on ne cite pas tous les noms ! Un travail de titan : des textes originaux, des compositions musicales, des arrangements, des rencontres, des engueulades, des découragements, des envolées, des folies… des rhumes et des bronchites aussi, contractées lors des éprouvantes répétitions dans les courants d’air et sous la pluie.

Sur son clocher, Jean de Nivelles frappe six fois la cloche avec son marteau. La décision va tomber. Vibration dans ma poche, SMS de Laurence : « planqué ds les cloitr c’est glac on joue dehor ». Je lui réponds «  courag et bonn m… ». Je lève les yeux au ciel, il est bas, il est lourd, il est gris, je n’ai pas confiance.

20h30. Le public est assis, une couverture sur les genoux, au premier rang quelques autorités dont le Président de la Chambre. Lumières, trompette, tambour et clarinette, les choristes s’installent sur le grand escalier menant aux cloîtres. Tout à coup, des mendiants et des pouilleuses déboulent et font la manche dans le public. Nous sommes plongés dans la misère d’avant la révolution belge. 1830, la comédie musicale aura bien lieu.

Il n’y a pas d’étoiles dans le ciel, elles sont descendues dans les yeux de tous. De ceux qui regardent. Et de ceux qui donnent depuis plus d’un an. Comme ça, pour rien. Pour le plaisir de créer et d’enchanter.

Le ciel saura les remercier : la pluie ne tombera qu’une dizaine de minutes après les bravos. 

 

Zen attitude

Que se passe-t-il là devant ? Avancez s’il-vous-plaît, je n’ai pas de temps à perdre, j’ai à peine roulé cent mètres et je suis déjà en retard.

Mais pourquoi donc les voitures avancent-elles aussi lentement ? On ne va pas quand même avoir des bouchons dans mon bled maintenant ? Et bien, si.

Je prends mon mal en patience, j’attends. Quoi, on ne bouge même plus ? Je sors de mon auto et je vais jeter un œil sur ce qui bloque en début de file.

Et là, je le vois couché sur le pavé au milieu de la rue étroite. Il regarde avec nonchalance les automobilistes énervés. On dirait qu’il fredonne dans sa tête la chanson d’Alain Souchon «Tu verras bien qu’un beau matin fatigué, j’irai m’asseoir sur le trottoir d’à côté ». Soudain, quelqu’un crie. Il daigne enfin bouger, cool et détendu, il s’éloigne sans faire de bruit.

Sur ses pattes de velours.

 

Papi et la guerre

Hier soir dans la voiture

       Papi Michel, Papi Paul a toujours mal aux genoux, c’est parce qu’il est âgé et parce qu’il a fait la guerre

       Mais Papi Paul n’a jamais fait la guerre

       Si, il était garde sur un bateau qui cherche des mines qui font exploser les autres, il était toujours debout, c’est pour ça qu’il a mal aux genoux

       Papi Paul a fait son service militaire, Awen, pas la guerre, moi aussi j’ai fait mon service militaire il y a très longtemps

       Tu avais un fusil ? Tu as tué beaucoup de soldats ?

       Mais, Awen, je n’ai tué personne, je ne faisais pas la guerre. On s’entraînait pour si jamais…Tu comprends ?

       Ah, c’était pas gai alors

       Non, je n’aimais pas

       Et tu tirais avec ton fusil ?

       Oui, parfois

       Sur des gens ?

       Mais non, sur des cibles

       C’est quoi ?

       Des pancartes avec des ronds dessinés dessus, on devait essayer de tirer au centre des ronds

       Et tu savais le faire ?

       Euh… pas vraiment

       Ah, c’est pour ça que tu n’aimais pas !

 

Voile ou casquette ?

– Je voudrais un café et un croissant, s’il vous plaît.

Je me trouvais ce matin dans la cafétéria de la station Q8 à Thieu. La serveuse qui prend ma commande porte une jolie (!) casquette arborant le logo Q8. La dame qui nettoie les tables porte le même couvre-chef. Ainsi que le technicien qui répare l’air conditionné au fond du restaurant. Ainsi que le responsable de la caisse des pompes. Ainsi que… bref, tous les membres du personnel de cette station sont habillés de bleu-marine et portent la fameuse casquette. C’est une équipe, quoi !

Je m’assieds, je trempe mes lèvres dans le café, je déplie Le Soir, et titre gras à la Une : « Islam : Amnesty condamne la Belgique ».

– Ah ! merde, qu’est-ce qu’on a encore fait ?

Je lis la première ligne de l’article : « Les femmes musulmanes qui portent le foulard se voient refuser des emplois… » Bon, je ne vais pas refaire le débat du voile. Est-ce bien, n’est-ce pas bien ? Faut-il l’autoriser ? Ou l’interdire dans l’espace public ? Je dirais simplement qu’à propos du voile intégral, je partage l’avis exprimé par Richard Miller: «… le port du voile intégral est une attaque directe contre l’égalité hommes-femmes, et j’avais cru comprendre jusqu’à présent qu’Amnesty avait pour rôle premier de défendre ces Droits humains… » Mais ce n’est pas le sujet dont je veux parler. 

Moi je m’interroge sur le port du voile « normal » par rapport à celui de la « casquette Q 8 ».

Si j’étais le responsable des ressources humaines chez Q8, commettrais-je vraiment une atteinte à la liberté individuelle en refusant d’engager une travailleuse qui ne voudrait pas troquer son voile contre la dite casquette ? Et la question serait la même si le voile était une mantille, une kippa, une cornette ou tout autre coiffe exprimant sans équivoque l’appartenance à quelque église que ce soit.

Entre nous, ce que chacun a sur la tête, chapeau melon ou entonnoir, je m’en bats l’œil. Tant que ça reste un accessoire vestimentaire. Mais quand le chapeau est une manière d’affirmer sa différence religieuse, j’ai un problème quand celui ou celle qui le porte veut intégrer un groupe.

Travailler, par définition, c’est faire partie d’une entreprise. C’est adhérer à un projet. C’est agir en symbiose avec une équipe. Ce n’est pas venir chercher un salaire tout en refusant de porter sur la tête les couleurs de sa société comme ses collègues athées, cathos, juifs, supporters du Standard ou que sais-je encore.  

– Oui, mais on n’est pas comme vous, nous. On doit porter le voile, on ne peut pas porter une casquette Q8, nous. 

– D’accord, qu’est-ce que je fais avec votre candidature, alors ?

 

Incognito

Je viens de coller un tape noir sur la webcam de mon portable. J’ai démonté mon téléphone fixe et détruit l’enregistreur de ma boîte à messages. J’ai dévissé toutes les ampoules électriques. J’ai débranché le réveil-radio dans la chambre, lui aussi est équipé d’un enregistreur. J’ai jeté les écouteurs des GSM. Les GSM aussi d’ailleurs. J’ai déconnecté l’autoradio.

Ensuite, j’ai fermé les portes à double tour et tiré les tentures.

Je vais maintenant supprimer mes comptes Facebook, Twitter, LinkedIn. Résilier mon PC Banking. Et, bien entendu, arrêter mon blog sur Posterous.

Dernière précaution, j’enfile mon passe-montagne et je sors incognito.

Qui vient de dire « C’est trop tard, ils savent tout de toi » ?

http://www.lesoir.be/actualite/economie/2012-04-25/le-fisc-se-dote-d-une-supe…

 

 

Noms d’oiseaux

Elle marche d’un côté de la rue. Lui de l’autre. Ils se parlent à distance, par dessus les voitures, entre les piétons et les passants.

Je devrais plutôt dire ils crient, ils s’engueulent, ils se balancent des gros mots qui volent d’un trottoir à l’autre.

Dans la rue, les cyclistes appuient sur les pédales et les piétons prennent leurs jambes à leur cou. Courage fuyons ! Personne n’a envie d’être éclaboussé de leur colère et de leur violence, je me planque sous l’abribus, mais j’observe et j’écoute.

À gauche, elle est maintenant rouge écarlate et elle hurle des mots incompréhensibles, à droite il est bleu explosif et crache une interminable litanie d’insultes. Des mots qui volent bas. Très bas.

Chacun continue à crier et à avancer de son côté. Quand ils arrivent au carrefour, le premier tourne à gauche, l’autre à droite. Silence. Enfin.

Il me semble qu’il y a beaucoup de noms d’oiseaux dans l’air en cette période.

Débat

22h00, je zappe, je tombe sur la Deux. Des journalistes et des invités débattent. Pfff encore. Questions insidieuses. Tensions. Langues de bois. Tout le monde parle en même temps.

Thèmes abordés : les jeunes, les salaires, les victoires, les défaites, les déceptions, la probabilité de ne jouer aucun rôle au niveau européen. Les journalistes insistent. Les questions fusent, curieuses, impertinentes, dérangeantes même.

Mais, rien à faire, le président ne se laisse pas démonter. Visage impassible, il tiendra bon, il n’avouera pas combien d’argent il a investi pour acheter le siège ou il est assis actuellement. Ils ont beau lancer des chiffres, rien n’y fait. Le président clôt sèchement le point par ces paroles : « Autant vous avez le droit de me poser toutes ces questions, autant j’ai celui de ne pas y répondre ».

Na !

Programme d’après élections ? Non, émission sportive ! Je suis devant « La Tribune », le rendez-vous foot du lundi animé par Michel Lecomte. A l’affiche ce soir : les extraits des matches du week-end et l’interview de Roland Duchâtelet, le président du Standard de Liège.

Comme en politique, beaucoup de salive, peu de beaux gestes sur le terrain. J’éteins.

Loin d’ici

J’ai réussi, je suis riche, je suis Belge, je vis en Suisse, je suis arrogant.

Je suis le patron d’Adecco, le premier groupe mondial d’interim. Et je me permets de donner un conseil aux entreprises implantées en Belgique : « If you can leave Belgium, run ! ».

On est content pour vous, Monsieur De Maeseneire, bravo pour votre belle carrière. Tant mieux si vous remplissez votre coffre de francs suisses. Profitez-en: faites du ski, collectionnez les Patek, goinfrez-vous de Milka. 

Mais fermez-la, mon vieux. 

Épargnez-nous votre avis sur nos salaires trop élevés, nos treizièmes mois, nos doubles pécules de vacances, nos chômeurs. Moi aussi, je vais vous donner un conseil : planquez-vous dans votre chalet, adoptez un profil bas et laissez faire. Parce que, entre nous, plus les travailleurs seront protégés et coûteront cher aux entreprises, plus celles-ci feront appel aux intérimaires corvéables à merci et jetables sans merci. Plus elles feront appel à Adecco. Plus elles vous permettront, Monsieur De Maeseneire, de vous enrichir et de vous la couler douce sur les bords du lac Léman ou sur une plage des îles Caïman.

Loin d’ici, merci.

http://www.lesoir.be/actualite/economie/2012-04-20/si-vous-pouvez-quitter-la-belgique-courez-910693.php

 

Y a du soleil bip bip

Le pic épeiche joue un solo de batterie sur le tronc pourri du vieux saule. Les oies bernaches pataugent dans la rivière au rythme de la danse des canards. La petite route se tortille pour épouser les moindres écarts de la rivière.

Avant hier, ce ruban gris était glacial et douloureux pour les coureurs de la Flèche Wallonne. Hier, au contraire, le soleil faisait briller ce joyeux chemin flânant entre les collines de la région de Huy. Et bien sûr, il me faisait cligner des yeux, on n’a plus l’habitude, hein Madame ?

J’étais au volant de ma Fiesta et j’avais le cœur en fête car j’allais retrouver un ami qui possède une maison là-bas et que je n’avais pas vu depuis très longtemps. Avec un autre, ils m’avaient appelé, il y a quelques jours, pour venir les épauler dans un projet de communication pour une entreprise du coin spécialisée dans la recherche énergétique solaire.

Après quelques erreurs de parcours – mon GPS aussi était un peu fou-fou – j’arrive chez mes potes. Café, blabla, rires. Les idées fusent. C’était comme si on s’était vus la veille. Quand je regarde ma montre pour la première fois, il est déjà 18h00. Je dois vous quitter, les gars, mais j’ai tout noté et je vous fignole les textes pour lundi, ça roule pour vous ?

Ce matin, j’étais réveillé deux heures avant le réveil-radio. Une belle lumière était entrée dans ma chambre. Et dans ma tête. Alors, je me suis levé, j’ai tout écrit, tout envoyé. Il y a des jours comme ça où tout va bien.

Où tout rayonne, comme le soleil.