Archives mensuelles : avril 2018

Fête du Travail

– Bonjour Cyril, comment s’est passée ta journée à l’école ?

– On a beaucoup travaillé, super beaucoup !

– Ah bon ?

– Oui, on a beaucoup travaillé parce que demain c’est la Fête du Travail.

– Et demain qu’est-ce qu’on fait ?

– Demain on fait rien, c’est congé… c’est bizarre, hein papi  ?

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Mon bon monsieur

À 8h00 le matin, aux caisses du supermarché qui vient d’ouvrir, il n’y a que des petits vieux. Enfin, je veux dire, des gens de mon âge. Des retraités. Je les regarde d’un air légèrement condescendant, moi, je me sens différent, plus jeune bien sûr. Et si je suis ici ce matin, ce n’est pas par habitude, je suis en mission exceptionnelle, les courses ce n’est pas dans mes responsabilités. Je ressens d’ailleurs un peu de pitié mêlée d’impatience derrière ces seniors (quel mot horrible !) maladroits aux caisses automatiques, ils tâtonnent, ils chipotent et prennent un temps fou pour donner leurs instructions à l’écran tactile. Heureusement, une employée du magasin est là pour les aider.

Enfin arrive mon tour, moi je n’aurai aucun problème avec la machine. Je vis avec mon temps. Tout se passe bien et vite jusqu’au moment où je dois récupérer le billet de 20 euros que la machine doit me restituer. Une alerte bruyante se déclenche et aucun billet ne sort. L’employée arrive aussitôt et me dit « Prenez votre billet avant que la machine ne le reprenne, mon bon monsieur, regardez, il sort là en dessous ». Je ne l’avais pas vu.

À la sortie, un avis m’indique de placer le code-barre du ticket de caisse devant l’écran-lecteur pour que la barrière s’ouvre. Je le fais mais rien ne se passe. L’employée vient à nouveau, me demande mon ticket et me dit « C’est ce code-barre, celui du dessous, qu’il faut montrer, pas celui-là ». Je la remercie, un peu gêné. « Allez, bonne journée, mon bon monsieur » me répond-elle avec un sourire entre gentillesse et compassion.

Et dans les regards des vieux autour de moi, je lis « Tu es des nôtres, mon bon monsieur !»

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Picoring in the rain

On l’attendait depuis quelques jours mais elle passait toujours à côté de chez nous. L’argile devenait caillou, les hellébores traînaient leurs fleurs sèches par terre, l’herbe jaunissait sur les bords des pelouses, les salades repiquées étaient misérables, il me fallait déjà remplir les arrosoirs le soir et distribuer un peu d’eau aux assoiffés du jardin.

Mais ce matin, enfin, je l’ai entendu chanter sur le toit, c’est elle d’ailleurs qui m’a réveillé. J’ai aussitôt fait le tour des fenêtres de la maison pour la regarder tomber de tous les côtés. Enfin, la pluie. Un Belge sans drache, c’est comme une frite sans mayonnaise.

Même les poules sont heureuses. Elles sont sorties, leurs plumes sont trempées, la vie est mouillée et belle, l’herbe reverdit, les vers de terre et les bestioles du compost sortent de leurs cachettes et crac, les poules s’en mettent plein derrière la cravate.

Je leur ai jeté aussi quelques graines et je vous jure, quel cinéma ici, c’est Picoring in the rain – Happy sunday ev’ryone – With a happy refrain – Come on with the rain 😉

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Brume

Que la lumière est douce ce matin, toute en brume irisée et vaporisée.

Je me suis arrêté au bord du champ. D’immenses tentacules frôlent la route. Je baisse ma vitre pour prendre la photo mais la remonte aussitôt, l’odeur est insupportable. Le brumisateur géant est un monstre empoisonneur, il empeste. Heureusement les fenêtres des maisons sont encore fermées. Celles de l’école proche aussi, c’est samedi.

Que la brume matinale est belle. Dommage qu’elle pue. Et qu’elle tue.

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Bonnes choses & belles personnes

J’étais ce matin dans la magnifique église Sainte-Suzanne de Schaerbeek dont la beauté et les vitraux art-déco convertiraient le pire des mécréants. C’était le moment de dire adieu à mon ami Geoffroy.

Il y a beaucoup de monde. Parmi l’assistance, je reconnais quelques visages, pas beaucoup hélas, de vieux camarades de pub venus saluer Geoffroy de Chabannes la Palice, un type bien qui apporta un peu de noblesse dans notre vile activité.

Les paroles de son épouse, de ses filles et des membres de sa famille vont droit au cœur bien sûr mais celles qui me toucheront le plus seront celles du prêtre officiant qui prononça une homélie vibrante et émouvante à la mémoire de mon copain épicurien dont il résuma la vie en ces quelques mots extraordinaires : «Il fut un amoureux de bonnes choses et de belles personnes ». Les larmes me pétèrent au coin des yeux tant cette définition était belle et pertinente et fit ressurgir en quelques secondes de nombreux bons souvenirs.

Le prêtre nous invita ensuite, dans un très beau et original rituel, à écrire quelques mots sur le cercueil de Geoff. Chaque personne de l’assistance y alla de son autographe et cela prit plus d’une heure, mais le temps n’avait pas d’importance aujourd’hui.

Après la cérémonie, je me rendis dans un petit restaurant à proximité de l’église avec Alain, un vieil ami commun retrouvé, une belle personne, que je n’avais plu vu depuis au moins vingt ans. Nous bûmes ensemble un bon Côtes de Blaye que notre pote défunt, fin œnologue, aurait certainement apprécié. Dans ce petit restaurant, j’ai revu aussi Jacques, un ancien collègue directeur artistique, pas croisé depuis deux ou trois décennies, que j’ai embrassé, les larmes aux yeux.

Et j’ai pensé alors que dans ma vie, j’ai eu la chance incroyable de rencontrer quelques  belles personnes avec qui j’ai pu vivre et savourer – et ce n’est pas fini – tant de bonnes choses. C’est cela la vraie richesse !

Comme je l’ai écrit sur ton cercueil : Salut Geoff et merci pour tout, Mich.

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Terminé la floche !

Et voilà, les poneys sont désormais interdits de foire en région bruxelloise. Et ça va suivre dans tout le pays. À l’instar des animaux de cirque et de delphinarium. Ce serait cruel de dire que ce n’est pas bien mais je m’interroge quand même. Les animaux ne peuvent donc plus tourner quelques heures par jour dans les manèges ni faire des cabrioles dans l’eau devant des gradins ni des acrobaties sous les chapiteaux. Ils ne peuvent plus « amuser » les enfants.

Moi – et cela risque de soulever quelques cris d’indignation – cela m’attriste un peu, même si je comprends que certains eux sont durement exploités. Plus que ceux qui « produisent » dans les fermes ? Je n’en suis pas sûr. Mais le travail pour les animaux, tourner quelques heures par jour pour un patron et des clients qui rêvent d’attraper  la floche, c’est désormais de la maltraitance.

Et pour les humains ?

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J’ar(t)dore

Ma fille vient de faire l’acquisition d’une œuvre que j’aime beaucoup.

Il s’agit d’un buste en argile, entre figuratif et abstrait, façonné par des mains expertes. Il est chargé de beaucoup de sentiments et d’émotions. C’est une création de mon petit fils, réalisée récemment à l’école. Je trouve qu’à l’instar d’autres sculptures géniales, elle mériterait aussi sa place dans les plus grands musées.

Et pour ceux qui n’ont pas le sens de l’observation, l’artiste m’a chargé de préciser qu’ il s’agit de mon portrait.

Merci et bravo petit Cyril.

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Livre fraternel

On a tous lu un ou quelques livres qui nous ont marqués et ne nous quitteront plus. Mon frère de Daniel Pennac (éd. Gallimard) sera un de ceux-là pour moi. Il n’est pas très épais mais il prendra de la place dans ma mémoire et dans mon cœur. Le hasard – je dis le hasard, mais je n’y crois pas – me l’a mis entre les mains un mois après le décès de mon frère aîné et deux ans après celui du « puîné ». Je suis donc bien placé pour saisir l’importance et les nuances du souvenir d’un ou plusieurs frères disparus.

Ce livre, merveilleux de tendresse, m’a réellement consolé de leur absence. Daniel Pennac décrit avec simplicité et originalité, poésie et humour, la richesse d’esprit et de cœur de feu son frère aîné en croisant ses souvenirs avec des extraits de Bartleby le scribe d’Herman Melville (éd. Gallimard), une nouvelle-monologue qu’il a mise en scène au théâtre et dont il tient seul le rôle. Une histoire de fou (en apparence) qui voit le personnage principal refuser sans raison (I would prefer not to – Je préférerais pas) les contraintes du travail et de l’absurdité de l’existence.

Daniel Pennac ne fait pas de comparaison directe entre Bartleby et son frère mais ce personnage lui fait penser à lui, lui qui à sa manière ne veut pas non plus « ajouter à l’entropie » comme il le rappelle dans une amusante anecdote au début du livre. Un mot que j’ignorais et qui signifie «dégradation de l’énergie, augmentation du désordre ». Ce qui en langage de tous les jours signifie que l’essentiel est dans la vie, la vraie, celle des sentiments. Et non dans l’agitation et l’affairisme.

J’adore cet extrait : « Un jour que je lui demandais combien il gagnait, histoire de comparer mon tout premier salaire de maître auxiliaire à ses émoluments d’ingénieur, mon frère répondit : – Beaucoup trop pour ce que je fais mais pas assez pour ce que je m’emmerde ». À sa lecture, j’ai eu comme l’impression d’entendre le mien.

Et je ne vous dévoilerai pas la dernière phrase du livre mais c’est la plus belle – et la plus drôle – que j’ai lue sur l’amour fraternel.

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Le fils de l’Agent 15

Quand j’étais petit et que je lisais, tard le soir et parfois même la nuit, des bandes dessinées sous ma couverture avec une lampe de poche, mon père venait me dire gentiment de dormir au lieu de lire des balivernes. Ce qu’on raconte dans les livres d’images, tu sais, ce n’est pas la vie réelle, ce sont des choses qui n’existent pas, me disait-il, lis plutôt tes livres d’école. Apprends, étudie, le savoir, tu en auras besoin plus tard. Heureusement, je ne l’ai pas toujours écouté.

L’interdit, rien n’est plus excitant pour un enfant. J’ai donc continué à voyager dans mon lit avec les livres d’images et de mots, à partager mes rêves avec des héros qui n’existent pas pour ceux… qui ne lisent pas. Ils ont tort car, si tu ouvres l’œil, tu verras qu’ils sont bien réels dans notre vie de tous les jours.

Ce matin, par exemple, j’ai aperçu l’Agent 15. Je l’ai même photographié. Certes, il a un peu changé et son bicycle n’est plus le même… ou alors, c’est peut-être son fils ?

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Manque d’inspiration

Il y a quelques mois, quelques amis lançaient Bulbme un nouveau site de partage fondé sur le concept de l’inspiration. Chacun était invité à y poster, partager et découvrir des contenus et des expériences inspirantes.

J’ai été emballé par cette idée et y ai contribué, modestement, par quelques textes mais très vite comme de nombreux autres membres de la communauté, j’ai lâché prise, tantôt par manque d’idées, tantôt par manque d’intérêt, tantôt encore par manque d’efforts. Surtout.

L’inspiration, je le répète inlassablement à mes étudiants, n’est pas l’art d’attraper une idée qui passe, ce n’est pas non plus un don de naissance ni un coup de chance, c’est un travail de l’esprit et de nos cinq sens (dirait Michel Serres), c’est un état de veille permanent. Bref c’est un effort. Mais l’on constate, malheureusement, que l’effort n’est plus très à la mode. Résultat, Bulbme s’arrête. J’en suis très triste (et je m’en sens un peu coupable).

Merci à toi et tes amis, Jean-Charles della Faille, d’avoir eu cette belle idée. Dommage qu’elle n’ait pas inspiré le succès qu’elle aurait mérité.

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