Archives mensuelles : août 2023

-logues

Fin des vacances, en avant pour la longue litanie des rendez-vous en « -logues ».

Arrivé à un certain âge, il est indispensable de faire contrôler sa machine corporelle de haut en bas. Depuis que je suis retraité, je fais ça systématiquement à la rentrée. C

Ça me donne la sensation de repartir pour un tour, de recommencer (ou prolonger) une vie active, de me rassurer sur mes capacités physiques et mentales. OK, me « rassurer » n’est pas le mot vraiment adéquat, on devrait plutôt dire vérifier l’état réel du bonhomme.

Je commence aujourd’hui par le plus désagréable, l’uro-logue. Pour cela je vais à Tournai. Pourquoi ? Parce qu’il a été déplacé de Nivelles à là-bas il y a quelques années et comme je n’avais envie de recommencer la séquence digitale avec un autre, je l’ai suivi. Ce n’est jamais qu’une fois par an et, je croise les doigts (est-ce vraiment indiqué cette expression ?), jusqu’à ce jour, à part quelques petites angoisses heureusement sans conséquences, ça se maintient.

Après ce sera le tour des gastro…cardio…dermato…stomato… ophtalmo…podo…neuro…logues.

Le dernier étant, si les examens ne sont pas tous satisfaisants, … l’astrologue.🤔

École

– Alors fiston, ta nouvelle école, elle est comment ?

Y a mieux

– Ah ?

– On dirait un bunker

– … entouré d’un beau parc quand même

– Ouais ça c’est top

– Et à l’intérieur, c’est bien ? Les classes sont belles ?

– Oui… si tu aimes le carrelage-toilettes 🤣

Ballon de récré

« J’espère qu’il y aura encore des ballons, comme ça on pourra encore jouer au foot ».

Petite phrase entendue ce matin à la radio dans une interview d’enfant rentrant à l’école secondaire. Je pense alors à mon petit Cyril qui va découvrir, à l’heure où j’écris ce billet, son nouvel athénée. Lui aussi doit se poser plein de questions sur sa nouvelle école et cette réflexion aurait pu sortir de sa bouche, lui qui voulait toujours rester cinq minutes de plus dans la cour de récré avec son ballon et ses copains quand je venais le chercher lors de ses années primaires.

Quand j’avais son âge, un abbé surveillant au Collège me terrorisait. Si un ballon de foot le touchait quand il traversait la cour, il le confisquait, sortait un canif de sa poche et doucement en narguant les élèves il le crevait. Mais dès le lendemain, on s’en fichait, on demandait 50 centimes à nos parents pour se cotiser et on allait acheter une nouvelle balle chez Lacroix, le magasin de sports près de la gare.

Pour en revenir à l’abbé sadique, il avait une autre marotte. Il sillonnait la ville avec sa vieille coccinelle à l’heure de la sortie des écoles pour coincer les élèves qui fumaient en rue. Quand il en pinçait un, il prenait son paquet de cigarettes et lors de la Fête du Directeur (c’était le nom de la grande fancy-fair annuelle du Collège), il l’alignait sur le sol de la cour avec tous les autres confisqués pendant l’année et passait dessus avec sa vieille VW sous les hourrah ou les huées des élèves selon qu’ils étaient fumeurs ou pas. J’ai eu plus tard ce type comme prof de maths intérimaire mais cela n’a heureusement pas duré, il était moins fortiche sur l’estrade que dans la cour.

Allez, bonne rentrée à tous et comme le chantait Jacques Dutronc « Vous en faites pas les gars, vous en faites pas les gars, moi aussi on m’a dit ça, fais pas ci fais pas ça, fais pas ci fais pas ça, la la la la ».  

Après la pluie…

On avait rarement vu ça. Une pluie aussi forte. Des seaux, Monsieur ! Oui c’était des seaux qui nous tombaient sur la tête et une rivière qui coulait dans notre rue. Et au parc de la Dodaine, il paraît que le grand étang a débordé et envahi le parc à fleurs où l’on tourne un film depuis une semaine. Bonjour leurs décors ! Je me demande s’il y a des dégâts importants. À la télé hier soir, ils ont montré le contournement de la ville qui est resté bloqué jusque tard dans la nuit, la chaussée était inondée dans les deux sens, impossible de passer. Une voiture a été retenue prisonnière dans l’eau, sans gravité heureusement, il paraît que c’était une voiture de police.

On ne parle que de ça sur le marché ce matin. Mais tout est déjà fini, il fait beau, le ciel est bleu avec seulement quelques nuages d’un blanc immaculé. Le vent frais a balayé l’orage et ses moutons noirs et nettoyé le ciel pour le marché du samedi. Il ne fait pas très chaud mais l’on peut s’attabler sous les toiles des terrasses et les tonnelles des échoppes pour savourer l’apéro. Chez les Grecs en face du bureau de poste par exemple, avec le rosé ou le retsina, ils proposent plein de petit trucs à grignoter, des olives, des tzatziki ou encore des keftedakia. On aura bien sûr une pensée pour eux et leurs incendies quand on parlera avec le patron. Chez nous, hein Monsieur, ce n’est rien ce qui est arrivé hier, ce n’est qu’une drache plus importante que d’habitude, même pas une grosse inondation, pas de dégâts importants, pas de drames, pas de blessés… m’enfin, on est bien obligé de constater que le climat devient fou. Après cette remarque de bonne conscience, la vie reprend son cours,  les verres se lèvent, le carillon de la collégiale joue ses vieilles rengaines.

Après la pluie vient le beau temps…

Violence

Hier j’ai été rappelé à l’ordre. Je venais de lire le post d’une amie évoquant son combat contre le tabac et lui ai envoyé un commentaire qui a suscité une réaction étonnante de Facebook.

Je me rappelais en effet comment j’avais radicalement arrêté de fumer il y a plus de vingt ans. Un matin sur la route du travail, j’en ai eu soudainement assez de cette addiction et des nausées et ai balancé mon paquet de cigarettes et mon briquet par la fenêtre de ma voiture. Et le soir quand je suis rentré à la maison, j’ai cassé (oserais-je dire massacré) mes cendriers et ai jeté les morceaux à la poubelle.

J’ai voulu raconter ça à mon amie pour l’encourager en lui écrivant « Les cendriers faut les tuer sinon c’est eux qui nous auront… » mais aussitôt cet avertissement de Facebook est apparu sur mon écran : « Votre message va peut-être à l’encontre de nos Standards de la communauté sur la violence et l’incitation ». Il m’était conseillé de le supprimer afin d’éviter des « restrictions potentielles sur mon compte ».

J’ignorais que tuer un cendrier était un crime. En cas de condamnation, risque-t-on la prison en cellule-fumeur à vie ?

Photo Alamy

Liège-douceur ou Liège-noirceur ?

Belle balade à Liège ce dimanche. Direction l’expo Aquareliège 2023 au Parc de La Boverie, le festival international de l’aquarelle qui réunit plus d’une centaine d’œuvres sélectionnées parmi je ne sais combien. Ma femme y a participé mais ses peintures pourtant remarquables n’ont pas été sélectionnées, ce qui l’a forcément déçue. Mais sans rancune, nous sommes allés voir les œuvres des lauréats et, ma foi il faut le reconnaître, c’était de tout haut niveau.

Parmi les plus beaux tableaux de Belgique, de France, d’Espagne, d’Italie, du Québec, j’en passe et des meilleurs, j’ai beaucoup apprécié les portraits de mon ex-collègue-prof à la HELHa à Mons, Marie-Line Clippe. Outre sa technique hors pair, j’ai été impressionné par la douceur de ses visages comme celui de la jeune fille au livre ci-dessous.

Pendant la dégustation de mon rosé et sandwich au pain de viande sur la terrasse du musée à l’architecture extraordinaire entouré d’un parc de rêve, je papote avec Marie-Thérèse et m’interroge sur la « douceur » quasi générale des peintures à l’aquarelle. Il y a ici essentiellement des paysages, des fleurs et des portraits (et aussi quelques rares abstraits qu’entre nous je n’aime pas trop).

Pas de tableau conceptuel, pas de sujet contestataire, pas de message rebelle ou provocateur. Pas de prise de tête. On déambule parmi des œuvres belles, délicates, douces, paisibles, sereines. Un peu trop à mon goût d’ailleurs, j’aurais aimé aussi quelques réalisations moins lisses. Mais cela est sans doute dû à la nature même de l’aquarelle, mélange de la fluidité et de la transparence de l’eau à la dilution et les nuances des coloris. Pas évident, voire impossible, d’obtenir des couleurs, des épaisseurs et des matières brutes, violentes et agressives comme le permettent l’huile et l’acrylique. D’où le choix de sujets plus « gentils » par les aquarellistes. C’est un avis, pas une critique mais après toute cette douceur, j’avais besoin d’un peu de noirceur.

Je me suis rendu à la librairie du musée dont une bonne partie est consacrée au romancier local le plus célèbre au monde, le légendaire Georges Simenon. Et j’ai (re)plongé à pieds joints et avec délectation dans ses univers glauques. J’ai tant apprécié dans ma jeunesse ses histoires sombres, ses anti-héros et ses décors lugubres. Je n’ai plu rien lu de lui depuis des lustres alors que je lui dois le goût de la formule sèche et de la phrase courte que j’ai tant essayé de plagier dans mes premiers textes. Simenon est un des auteurs qui m’a le plus influencé, surtout par son sens de l’observation et ses descriptions à la précision cinématographique. J’ai feuilleté sur place plein de cahiers et de livres qui lui sont consacrés et acheté un recueil de quelques nouvelles que je ne connaissais pas, surtout des enquêtes de Maigret. Que je lirai ce soir dans la pénombre « … de bars mal famés de Pigalle et d’ hôtels douteux du quartier de la gare du Nord… »

L’aquarelle, c’est bien… mais il faut parfois en sortir 😉

Expo Aquareliège 2023 – voir Marie-Line Clippe (aquarelles)

Biopic Simenon (éd. Dargaud)

Le goût de la terre

J’ai commencé à arracher les pommes de terre de mon jardin, profitant du soleil pour les laisser sécher et dorer sous ses rayons. La terre encore humide et grasse colle à la fourche et est lourde à soulever. Je ne récolterai aujourd’hui que quelques « routes », il n’est pas nécessaire de m’épuiser. Ce travail ne doit pas être une corvée mais une joie. Celle de ramasser ma provision de patates qui nous suffira jusqu’au début de l’année prochaine et surtout de revivre en mémoire quelques bons moments d’enfance auprès de mon papa.

Il aimait travailler dans son potager et demandait notre aide lors du ramassage des pommes de terre. Les manches de sa chemise retroussées jusqu’au dessus des coudes, son béret vissé sur la tête pour se protéger du soleil et quand il faisait très chaud, mais seulement alors, les pans de sa chemise hors du pantalon, jamais de short ni de torse nu, il était bien trop prude. Lui seul manipulait la fourche ou le croc, outils trop dangereux pour nous, déterrait les patates et les étendait sur la terre. Quand elles étaient séchées, nous devions les trier, séparer les grosses des petites destinées à la « grenaille ». Les trop petites, nous les mangions au fur et à mesure sans les nettoyer au préalable, on ne les frottait qu’un peu sur notre pantalon pour enlever le plus gros de la terre. Le goût terreux était fort mais nous aimions ça. Notre salive était brune, c’était alors l’occasion d’un concours entre mon frère Jean-Pierre et moi : qui cracherait le plus loin et le plus foncé ? Quand ma mère nous voyait, elle nous enguirlandait depuis le seuil de sa cuisine. « Ce n’est pas possible d’avoir des sales gamins comme ça » criait-elle, moitié fâchée, moitié amusée.

J’en ris encore aujourd’hui en mâchonnant quelques mini-charlottes en direct de la terre. Le goût est toujours aussi fort, aussi âpre, aussi âcre mais aussi… doux.

On ne la verra plus

Elle vivait dans l’obscurité mais elle éclairait tout sur son passage. Chaque jour, on la voyait marcher aux quatre coins de la ville, son petit sac rouge sur le dos et balayant devant elle de gauche à droite avec sa canne blanche. Quand vous la croisiez, elle arrêtait de muser pour vous dire bonjour, vous sourire et vous raconter une petite blague. Derrière ses lunettes noires de non-voyante, ses yeux morts, j’en suis sûr, pétillaient. Quand elle traversait un passage pour piétons, elle agitait sa canne pour remercier les automobilistes qui s’étaient arrêtés.

Il faisait toujours nuit pour elle mais elle était un soleil pour tous ceux qu’elle rencontrait. Elle est morte ce 15 août dans des circonstances mystérieuses, quelqu’un l’aurait vu embrasser les arbres du parc un jour ou deux avant sa disparation. Les témoignages de tristesse et de sympathie ne cessent d’affluer sur le site de la ville alors que personne ne la connaissait vraiment. Vivait-elle seule ? Avait-elle une famille ? Des amis ? Je l’ignore, mais tous les Nivellois, nous appréciions son dynamisme et … sa joie de vivre qui n’était probablement qu’une apparence.

On a est des dizaines et des dizaines à avoir une anecdote à raconter à son sujet. Moi, c’est une réflexion humoristique qu’elle me fit un jour alors que je l’avertissais que plus loin la porte d’une remise à poubelles était restée ouverte et barrait le passage sur le trottoir : « oh ! merci cher monsieur, ce ne sont pas les accidents de voiture que je redoute, mais bien les accidents de poubelle, j’en ai embouti plus d’une ! ». Elle riait ensuite de son bon mot et reprenait son chemin en chantonnant et battant la mesure avec sa canne.

Son sourire et sa bonne humeur vont nous manquer dans nos rues. Au revoir, Madame, reposez en paix et en joie, qui sait, dans la lumière.   

Made in Normandie

Les vaches rousses, blanches et noires sur lesquelles tombe la pluie
Et les cerisiers blancs made in Normandie…

Balade dans un petit village de Normandie avec mes amis, nous venons de nous arrêter dans la jolie Chapelle du Cerisier aux vitraux du même nom. Dans une prairie un peu plus loin, rencontre inévitable avec une belle rousse à lunettes au sourire enjôleur. Et aussitôt dans ma tête remonte une musique entraînante sur laquelle, je l’avoue, j’ai dansé autrefois des farandoles. Bon, il y a prescription, cela fait au moins 50 ans ! Il s’agit de Made in Normandie une rengaine efficace de Stone et Charden qui ne se prend pas la tête et ne pense qu’à enflammer les bals populaires. Mais attention… peut-on encore dire qu’on apprécie ce genre de chanson entre amis sous un chapiteau, avec qui on trinque et se déhanche sur une piste de danse, sans passer pour un plouc suppôt du RN ?

La France est en effet divisée (allez, pas toute la France seulement celle des médias et des réseaux sociaux) depuis ce week-end à propos des Lacs du Connemara du vilain Michel Sardou, idole des beaufs de droite, qui a commis aussi Les bals populaires auxquels je fais allusion plus haut.

Une jeune chanteuse dont je tairai le nom, pourquoi lui faire du tort, elle ne manque pas de talent et chante de jolies choses mais a dit dans une interview à la télévision que « Les Lacs du Connemara » était une chanson qui la dégoûtait, qu’elle était sectaire et de droite et que sa musique était immonde. Rien que ça. Mon Dieu, comment qualifierait-elle  « Made in Normandie » qui me met en joie devant Marguerite la Normande qui me fait de l’œil. Sans doute est-elle trop jeune pour la connaître.

Je ne suis pas vraiment un fan de Stone et Charden ni de Michel Sardou mais ces chansons sont joyeuses et boute-en-train et, ma foi, un peu de zim-boum-la-la-la parfois ça ne fait pas de tort, surtout en ce moment.  

Alors, bien sûr, on n’est pas obligé d’aimer, on peut même le dire mais est-ce nécessaire d’utiliser un vocabulaire aussi virulent ? Heureusement, tout ce qui est excessif est insignifiant a dit Talleyrand.

Et je me permettrais d’ajouter que si tu n’aimes pas ces chansons, coupe le son et pense, si ça te fait plaisir mais ne le dis pas, que je suis un beauf de droite.    

♫ Une mare avec des canards, des pommiers dans la prairie
Et le bon cidre doux made in Normandie… la la la ♫

Soirée verte

Il fait doux sous le ciel de Normandie. Le soir est tombé mais il ne fait pas noir. Il fait vert foncé, vert tendre, vert lumineux… et aussi verres d’amitié.

Les lampes solaires fichées dans le sol à quelques pas de la table de fête des amis qui nous accueillent se sont allumées progressivement pour éclairer en douceur et en transparence toutes les nuances de verts qui nous entourent.

Vert du grand pommier, vert de l’arbre à papillons, vert des rosiers grimpants, vert du camélia qui fleurit en hiver, vert des sapins géants, vert des fougères envahissantes, vert de l’herbe légèrement humide…

Et jolie surprise, vert de la grande sauterelle verte qui s’est posée sur mon épaule.

Soirée verte et féerique.