Archives mensuelles : Mai 2016

Opération escargot

C’est lundi, il pleut comme vache qui pisse et les grèves persistent comme voyageurs qui pleurent.

Je viens d’apprendre que les vols vers la France seront probablement annulés dès vendredi prochain, le jour où précisément je devrais décoller pour une semaine de vacances au soleil. Tout est réservé, on verra bien ce qui se passera. Oh ! il n’y a pas mort d’homme, rien de grave, il y a pire. On ne va pas s’énerver parce qu’on risque de perdre quelques jours d’eau de mer et d’argent liquide parce que tout est payé d’avance. Et puis, je ne peux pas râler non plus, puisque j’ai écrit dans un billet récent que ce n’était pas bien.

En entendant cette bonne nouvelle juste après le joyeux bulletin météo, je décide d’aller au jardin, là on me fiche la paix et j’ai encore pas mal de bégonias et de dahlias à repiquer. Le temps pluvieux s’y prête, les fleurs adorent être « pralinées » quand on les plante, c’est-à-dire déposées dans un trou rempli de terreau boueux mélangé d’eau de pluie.

À peine ai-je commencé mon travail sous la drache que mon humeur maussade s’envole: dès qu’un peu de terre salit mes mains, ma tête se nettoie. Je remplis mon arrosoir, je veux verser un peu d’eau dans les petits trous que je viens de creuser… mais rien ne coule, l’embout est bouché. Par de la boue ? Un caillou ? Non, un petit gréviste a décidé de m’empêcher de travailler. Il mène à lui tout seul son « opération escargot ». Qu’est-ce que je fais ? J’emploie les grands moyens ? Le tuyau d’arrosage pour le faire partir à l’instar des autos-pompes de la police ? Des coups de matraque avec le manche de ma pelle-plantoir ? Ou alors, je négocie ?

Je sors mon iPhone et je le mitraille. Photos-reportages exclusives. Scoop. Je lui promets de les publier sur les réseaux sociaux. Pour qu’on voie son action et qu’on la commente, pour qu’on le soutienne et qu’on comprenne ses revendications. Que veut-il ? Moins de fleurs immangeables dans ce foutu jardin et plus de tendres salades savoureuses ? OK, camarade, tu auras ce tu veux, à une condition : tu t’en vas et tu libères mon arrosoir.

Après quelques palabres, il a cédé, il a repris son camping-car et s’est cassé. Quant aux salades… il se contentera de celles que je viens de lui raconter.

Capture d’écran 2016-05-30 à 12.10.27.png

Capture d’écran 2016-05-30 à 12.11.26.png

Après-midi à mouchoirs

Etienne me montre avec fierté l’immense parc-jardin qu’il a créé et entretenu depuis plus de quarante ans à l’arrière du magnifique petit château qu’il a également restauré. Autour de quelques grands arbres séculaires, Etienne a planté une grande variété d’arbustes, rhododendrons, azalées et hydrangeas et réalisé un sublime « jardin blanc » à la française mais aux parterres de fleurs blanches à l’anglaise, disposées autour de deux bassins et jets d’eau. Il m’explique avec des termes de connaisseur les différentes essences qui nous entourent, je fais semblant de comprendre mais je me laisse tout simplement émerveiller par la beauté de l’endroit. Au bout d’un sentier, le sol est recouvert de pétales blancs et grands comme des mouchoirs de poche. Je me baisse pour en ramasser un et suis étonné par sa douceur de soie.

– Et ça, c’est quoi comme fleur, Etienne ?

– C’est une « bractée », Michel, de mon Davidia involucrata appelé plus communément  » arbre à mouchoirs », lève les yeux et regarde comme il est beau.

À quelques mètres au dessus de nos têtes, l’arbre déploie ses branches comme un parasol aux baleines duquel on aurait accroché des dizaines de mini-serviettes blanches pour les laisser sécher après la lessive. Pendant qu’Etienne, encore plus bavard que moi (si, si c’est possible !) me parle de sa passion (« quand je serai grand, je serai médecin ou jardinier, disait-il à son père »), je plie un des jolis « mouchoirs » tombé de l’arbre et le mets en poche. J’en aurai besoin cet après-midi !

Etienne, vieux camarade de classe et grand organisateur de retrouvailles, m’a proposé de l’accompagner chez Roland, un autre condisciple de rétho que je n’ai plus jamais revu. Roland est emprisonné dans son corps paralysé depuis 18 ans par le locked-in syndrome. Mais il est extrêmement vif dans sa tête, un véritable poète et combattant comme je l’avais déjà décrit dans un billet précédent.

Je vais donc le revoir cet après-midi avec Etienne dont les conseils de médecin me viendront à point pour me comporter comme il se doit devant notre ami. Je suis, en effet, un peu anxieux, je ne sais pas trop comment je devrai converser face au handicap de Roland. La rencontre se déroulera toute seule, simple, naturelle, chaleureuse. Jeanine, l’épouse de Roland, nous racontera sa vie au quotidien tandis que Roland communiquera avec nous grâce à « Lucy » son ordinateur spécial qu’il commande avec un projecteur laser qu’il porte sur le front et dont il dirige le rayon sur les lettres d’un clavier pour former à l’écran les phrases qu’il veut nous dire. Impressionnant… et très émouvant.

Et même amusant quand Roland nous surprend avec des mots drôles comme, par exemple, « galoche », le surnom d’un prof que nous évoquions et qui avait, je n’y pensais plus, un menton plus que volontaire. Nous passerons toute l’après-midi à partager de vieux souvenirs et raconter nos actualités. « Roland t’es fatigué ? » demande-t-on à plusieurs reprises.  J…A…M…A…I…S… lit-on sur l’écran. Je n’ai pas sorti la bractée blanche de ma poche même si parfois j’aurais  bien essuyé une petite perle aux coins de mes yeux.

Nous avons quitté Roland vers cinq heures pour une deuxième belle aventure. Par le plus grand des hasards, Etienne a obtenu il y a deux jours l’adresse secrète de Bernard, un autre ami d’école que nous n’avons jamais pu joindre depuis la fin de nos humanités. Bernard était déjà un jeune « à part » dans notre classe, dévoré par un univers éloigné du nôtre, la musique classique. Pianiste de haut niveau, lauréat du Conservatoire, Bernard ne partageait pas nos intérêts d’ados pour le foot, les Beatles et les nanas du lycée. Durant les cinquante ans qui ont suivi la sortie du Collège, il n’a jamais répondu à nos invitations pour les dîners et autres réunions d’anciens. Mais cette année est exceptionnelle : on fêtera en automne les cinquante ans de sortie de Rhéto. Albert, notre vieux professeur-titulaire rêve de voir réunis autour de lui ses cancres encore vivants car dit-il avec humour « on s’approche dangereusement de l’éternité ».

Etienne et moi, avons donc décidé de nous rendre chez Bernard. On verra bien comment il réagira. Après que le GPS nous ait longuement baladé dans des chemins de campagne, nous nous sommes retrouvés devant une maison aux volets clos mais aux haies fraîchement taillées et au parking occupé par une voiture. L’habitant des lieux n’est donc pas loin. Nous sonnons, nous frappons sur les volets, mais rien ne se passe. Nous allons voir chez la voisine qui nous dit qu’il doit être là car il y a une demi-heure, le pianiste jardinait. Nous revenons, nous resonnons, nous retoquons, rien ne se pass… oh si ! la porte du garage se lève et apparaît une dame qui nous demande sèchement ce que nous voulons. Etienne la rassure et explique notre démarche tout en faisant référence à sa passion pour la musique et à un concert de Bernard auquel il a assisté il y a 20 ans : la dame se détend et nous dit que l’artiste est là mais tellement discret qu’il ne nous recevra pas « vous savez quand même comment il était, il n’a pas changé… mais laissez-lui vos coordonnées, il vous recontactera peut-être ». Je détache une page de mon Moleskine et y écris nos adresses email ainsi que quelques mots souhaitant sa présence à notre fête des cinquante ans. Viendra ? Viendra pas ? On verra. Je serre une seconde fois le mouchoir de l’arbre au fond dans ma poche.

Nous reprenons la route pour une cinquantaine de kilomètres sous l’orage et la drache, à destination du château d’Etienne où nous boirons dans la cuisine avec Marie sa formidable épouse, un verre de blanc tout en racontant notre après-midi extraordinaire. Mais … « oh la la, t’as vu l’heure Michel ? », je ne dois pas traîner, dans vingt minutes commence une des dernières soirées du concours piano Reine Élisabeth (auquel participa en son temps notre ami Bernard, aujourd’hui virtuose spécialiste de Scriabine). Etienne et Marie ne veulent pas manquer les premières notes du concert et moi non plus, Marie-Thérèse doit sans doute déjà m’attendre. Je m’en vais, au revoir, bises, à bientôt, quelle après-midi intense, il y a de ces jours de grâce !

Je m’assieds au volant et fais fonctionner mes essuie-glaces pour balayer les larmes de pluie sur mon pare-brise. Les yeux me piquent, est-ce le vin ? Les souvenirs ? L’émotion ? Le bonheur ?

Pas de souci, j’ai un mouchoir d’arbre chiffonné dans ma poche.

Davidia-involucrata-var-vilmoriniana---les-barres-074_redim.jpg        Davidia involucrata – Arbre à mouchoirs (Wikipedia)

 

Râler ?

C’est à la mode aujourd’hui de se plaindre et de faire profiter tout le monde de son mécontentement. Entendons-nous bien, je ne conteste pas le droit de grève ni celui de manifester. Mais, s’il vous plaît, ras le bol du réflexe qui consiste à bloquer systématiquement les transports en commun et créer le chaos sur les routes. Et donc à entraver la liberté de mouvement – la liberté tout court – de milliers, de millions de citoyens.

Et ras le bol aussi de ce sentiment de culpabilisation que les responsables syndicaux tentent d’instiller auprès de la population qui n’accepte pas leurs actions et ne partage pas leur volonté de «faire tomber » le gouvernement comme je viens encore de l’entendre à l’instant dans la bouche de Marc Goblet.

Depuis quand une minorité, toujours la même, prétend-elle représenter l’ensemble de l’opinion ? Pourquoi devrions-nous accepter avec le sourire d’être pris en otages par ces gens ? Pourquoi serions-nous des salauds parce qu’on refuse d’adhérer à leur mentalité qui consiste à em…… les autres, sans même prendre la peine de les prévenir, dès que l’on a des revendications à faire valoir, des « acquis » à défendre, des heures supplémentaires à récupérer ? Non mais allo quoi ?

Moi, je m’intéresse autant aux « problèmes » des cheminots qu’eux s’intéressent aux difficultés de mes étudiants ou à mes états d’âme de « petit pensionné indépendant ». Oui, je dis bien « petit indépendant » qu’ils confondent trop souvent avec « petit salopard » qui toute sa vie of course a travaillé au noir, a ensuite planqué sa fortune à Panama et qui non content de posséder tout ce qu’il a continue à travailler au delà de ses 67 ans pour accumuler encore plus de richesses. Il y a quelques années, alors que je passais près d’un piquet de grève, des « hommes qui savent pourquoi » au vu des canettes qu’ils avaient en main m’ont menacé et craché sur ma voiture parce qu’elle portait le logo MC Collart Creative Advertising, synonyme à leurs yeux de suppôt du grand capital. Il faut dire que j’étais au volant d’une luxueuse Ford Fiesta.

Mais je ne vais pas vous chanter la complainte du « petit indépendant » qui bénéficie aujourd’hui d’une pension minable en regard des plantureuses cotisations sociales qu’il a casquées toute sa vie, qui s’est coltiné à plusieurs reprises de solides redressements fiscaux, qui a vu ses économies bouffées par les crises bancaires, qui remet au fisc plus de la moitié de ses gros honoraires de prof… non, rassurez-vous, je ne vais pas me plaindre, je n’en ai pas le droit. Je suis heureux, j’ai une superbe famille, j’ai des amis de qualité, un maximum de bonnes ondes m’entourent. Et j’ai par dessus tout la chance de conserver une bonne santé. La seule et unique véritable chance, en fait. Mais elle est de taille. Chaque matin quand je me réveille, je lève les yeux et je dis merci au Ciel, à Dieu, à la Vie, au Hasard. Merci d’encore pouvoir descendre dans mon jardin et monter sur un court de tennis.

Quant au reste, ce qui va ou ce qui ne va pas, ce n’est pas vraiment le résultat de la chance, c’est surtout une question d’état d’esprit, d’attitude et d’organisation. Comme la plupart de mes confrères, j’ai galéré, pris des claques, perdu des « acquis », vu des heures et des heures et des heures non récupérées. Au moins autant, si pas plus, que beaucoup de ceux qui aujourd’hui font subir leur mauvaise humeur à l’ensemble du pays.

J’ai vu tant de gens bloqués ce matin sur les routes (des travailleurs qui ne feront pas leur journée, des parents qui arriveront en retard à l’école, des étudiants qui n’iront pas à leur examen, des indépendants qui perdront des clients, …) que je ne peux m’empêcher de réagir même si cela ne me touche plus directement puisque j’appartiens désormais à la catégorie des vieux « nantis ». Je n’en ferai donc pas un fromage. En page 188 du formidable bouquin, Le Club des Incorrigibles Optimistes, dont je viens de terminer la lecture, une phrase magnifique me rappelle d’ailleurs qu’ « On n’a pas le droit de râler quand on est favorisé, c’est insulter ceux qui n’ont rien ».

Ai-je quand même le droit de mettre mon blog en grève ?

IMG_1255.JPG

Positive thinking

Soixante ans séparent les deux interlocuteurs ci-dessous. Lequel va faire la leçon à l’autre ?

– Papi, t’as déjà entendu parler de l’ado hollandais * qui a inventé un truc pour nettoyer les océans, un appareil géant qui va aspirer l’eau et les déchets qui flottent dedans pour la filtrer ? Toutes les crasses vont rester coincées dans un filet et l’eau sera de nouveau propre, c’est génial, non ?

– C’est super, Awen, mais qu’est-ce qu’on va faire de toutes ces tonnes de déchets récupérés ?

– Euh, j’en sais rien moi… mais, hé papi, il faut d’abord penser au positif… pour le négatif, on verra après !

(Boyan Slat)

Le-grand-nettoyage-des-oceans-debutera-en-2016.jpg        Photo Paris-Match

 

École buissonnière

Trois mercredis par mois, je dois aller à l’école. À l’école maternelle et primaire, rechercher mon petit Cyril et mon grand Awen. Pour être sûr d’arriver à l’heure et d’éviter les problèmes de parking, je pars suffisamment tôt. Le temps des courses contre la montre et de l’agenda surbooké – comme je disais alors pour faire branché – est loin derrière moi. J’essaie de vivre cool, de prendre la vie tranquille, rien ne sert de courir… sauf sur un terrain de tennis.

Aujourd’hui comme j’étais particulièrement à l’avance, je suis entré dans la belle librairie de Linkebeek, j’ai regardé les livres en vitrine et acheté le dernier roman de David Foenkinos « Le Mystère Henri Pick » dont la quatrième de couverture promet un récit d’une enquête littéraire pleine de suspense, une comédie pétillante qui offre la preuve qu’un roman peut bouleverser l’existence de ses lecteurs.

Ce qui a, en tout cas, bouleversé ma vie ces dernières années, c’est le bonheur d’y voir débarquer trois petits mecs épatants qui m’ont ramené aux nombreux plaisirs de l’enfance.

Aujourd’hui, c’était celui de l’école buissonnière dans une petite librairie et les sentiers fleuris d’un mercredi midi.

IMG_1230.JPG

Terminus Campus

15h30. Les étudiants viennent de quitter le local, c’était leur dernier cours de l’année avec moi. Et peut-être mon dernier cours tout court. On verra en septembre si je suis encore d’attaque pour une année supplémentaire.

Ce midi, comme nous sommes déjà entrés dans la semaine de blocus, la cantine universitaire était fermée, j’ai donc dû me rabattre sur le fritkot de la chaussée de Binche fréquenté par les students et les camionneurs. Rarement un prof.

J’ai ainsi redécouvert la saveur d’un bon gros paquet de frites, d’un petit pot de mayonnaise et d’une fraîche 33. Un repas excellent pendant. Un peu moins durant les heures qui ont suivi en classe. Dur, dur de ne pas somnoler pendant qu’en prévision des examens, je survole la matière vue cette année. Vivement le tennis de demain matin que je fasse fondre les trois tonnes de calories absorbées ce midi.

Trois tonnes de plaisir quand même. Quel bonheur en effet de retomber quelques instants en jeunesse et de rire des réflexions entendues aux tables voisines.

Même si, comme les frites, elles étaient parfois grasses.

IMG_1212.JPG

FullSizeRender[2].jpgFullSizeRender[1].jpg

Jardin secret

Au début des années 70, Jean Gabin disait dans La Horse, un film dans lequel il jouait le rôle d’un paysan dont le fils était devenu trafiquant de drogue, que « La terre ce n’est pas sale ».

Je ne sais pas pourquoi cette citation me revient à la mémoire alors que je regarde mes mains après avoir passé un samedi de plus à travailler dans mon jardin. Non seulement la terre n’est pas sale mais elle est belle et joyeuse. Et lourde aussi…

Je ne sens plus mon dos : depuis ce midi, je transporte des caisses de bégonias et de légumes à planter et à quatre pattes, je remue la glaise déjà sèche et je pique et je repique. Je taille aussi, je tonds, je gratte et je bine, j’éclaircis les buissons du talus, je débroussaille au long de la rivière, bref je jardine, je m’épuise.

Mais quel pied quand je m’arrête, que je dépose le sécateur et que j’ouvre une bouteille de rosé pétillant – « ce n’est pas bon pour vos migraines Monsieur Collart m’avait dit  un jour ma neurologue à qui j’avais répondu vous avez raison, ce n’est pas bon, c’est excellent » – que l’on va savourer à nous deux, cachés derrière nos haies et nos arbres.

Pendant que les bulles de Mateus me chatouillent les papilles, je revois le jardin – la prairie – comme il était quand nous l’avons investi il y a presque quarante ans. Rien que des herbes folles et des pissenlits entourés d’une haie d’aubépine aux picots agressifs qu’il a fallu arracher, au prix de litres de sueur et de dizaines d’échardes dans les doigts. Je vois encore le tracteur patiner quand il a essayé de la déterrer : c’est horriblement costaud une aubépine : demandez donc aux Panzer’s de l’offensive Von Rundstedt dans nos Ardennes à la fin de la guerre mondiale. Mais on y est arrivé et ensuite il a fallu, pendant des années, bêcher, nettoyer, planter, entretenir, transpirer. J’entends encore un vieux dans le village qui me regardant creuser avec ma bêche me disait « C’est pus lourd qu’in bic hein ! ».

Mais aujourd’hui, quand je m’assied – c’est rare – et que je laisse vagabonder mes yeux du merle qui siffle dans le laurier aux deux tourterelles qui se chamaillent à la cime du plus haut de mes sapins, je crois qu’il n’y a pas de plus grand bonheur.

Chaque arbre dans mon jardin a son anecdote. Le chêne aux trois troncs me rappelle cette belle après-midi avec mon ami John venu m’aider à le déplanter, jeune pousse, dans une carrière de sable désaffectée (à l’époque, je ne me fournissais pas chez un pépiniériste, je n’en avais pas les moyens). Au pied de l’aulne, j’entends les rires de mon frère Jean-Pierre qui venait m’aider à le tailler. Plus loin, quand je lève les yeux vers la ramure de l’érable et que je regarde ses feuilles palmatilobées se détacher sur le ciel bleu déchiré par les traces blanches des longs courriers, je rêve de mes années québécoises et pense à mes amis de là-bas. Et là, sous le grand cerisier près du bouquet de bouleaux, je revois floue une ancienne balançoire avec deux petites filles blondes.

La prairie est aujourd’hui un parc, un potager et un petit verger où courent quelques poules et de nombreuses histoires. Ce week-end, Marie-Thérèse et moi avons décidé de ne pas bouger, il y a encore plein de boulot. Nous allons vivre un dimanche jardinier en autarcie, bienheureux comme des barakis, les mains dans la terre et le nez dans le feuillage.

Au bout de nos sentiers secrets.

Capture d’écran 2016-05-21 à 17.39.56.png

IMG_1205.JPG

FullSizeRender[1].jpg

IMG_1209.JPG

FullSizeRender.jpgFullSizeRender[2].jpg

 

 

 

 

Triste B

Je ne fais jamais de billet politique. Je ne m’y connais pas assez et la Belgique est un pays compliqué, difficile à cerner même pour les meilleurs spécialistes.

Mais là, vu les résultats des derniers sondages sur les intentions de vote de la population s’il y avait des élections maintenant, je ne peux m’empêcher d’avoir peur. Et honte.

Même s’il est vrai que notre pays est un peu – beaucoup – dans la m…. pour le moment et que nos dirigeants méritent des claques, je ne comprends pas la réaction de mes con-citoyens. Au Sud comme au Nord, les partis traditionnels (modérés) trinquent et les extrémistes ont le vent en poupe. Près de 14 % des intentions de vote : « Tous des pourris, donc je vote contre. À fond. À gauche toute en Wallonie, à droite en Flandre ».

En Wallonie, je marche pour le parti qui promet en 1 de taxer les millionnaires et en 2 de réduire le temps de travail. Populisme misérabiliste. En Flandre, je soutiens ceux qui s’engagent à mettre les immigrés dehors. Populisme petit bourgeois. Voilà deux beaux programmes politiques et de belles ambitions pour un peuple.

Notre pays ne va pas bien, c’est bien sûr la faute de notre gouvernement. Mais pas que. Mérite-t-on vraiment mieux? Allez, bon week-end quand même.

FullSizeRender.jpg

 

Gros lourds

Mon amie la merlette m’a déçu. Je lui donnais du pain, du fromage et même de la viande pour qu’elle nourrisse ses oisillons. Et j’avais du plaisir à entendre ceux-ci gazouiller dans la haie quand elle leur apportait le ravitaillement. Jusqu’à ce matin.

Au pied du rhododendron, surprise : j’ai vu – oui, de mes yeux vu – la merlette donner la becquée à deux malabars plus gros qu’elle. Je n’en croyais pas mes yeux, cette petite maigrelette s’esquinte à trouver et apporter de la bouffe à deux jeunes fainéants obèses. Qui, en plus, se la coulent douce dans le nouveau terreau de la vasque où j’ai semé des œillets d’Inde. Tiens, ils me font penser à quelques étudiants mollassons qui ne vont pas rigoler quand ils découvriront le questionnaire d’examen que je viens de préparer.

Il y a donc des Tanguy chez les merles aussi. Sorry miss Merlette, mais je vais couper les ponts. Faut que vos deux lascars se remuent les plumes !

FullSizeRender (1).jpg

IMG_1176.JPG

Magicien

Cyril, bientôt 5 ans, me raconte qu’il a vu un magicien à la fête d’anniversaire d’un ami:

– Un vrai magicien avec un lapin, papi !

– Avec un lapin dans son chapeau ?

– Oui et aussi avec un oiseau de la mer

– Tu veux dire une mouette… dans son chapeau aussi ?

– Oui

– Un vrai lapin et une vraie mouette, vivants ?

– Oui, papi !

– Mais comment est-ce possible de sortir un vrai lapin et une vraie mouette vivants d’un chapeau ?

– Hé j’sais pas, j’suis pas magicien moi !

Capture d’écran 2016-05-19 à 22.27.09.png