Archives mensuelles : octobre 2010

J’ai peur

Je me suis barricadé dans le living. Le chien du voisin hurle. Je les entends, ils rôdent, ils ne sont pas loin. Les villageois ont peur aussi. Ils n’ont pas allumé les lampes des maisons. Seulement des bougies dont les flammes tremblantes projettent des ombres effrayantes sur les façades.

J’entends des pas sur le gravier, cette fois c’est moi, comme disait la pub du Lotto.

On sonne et, oh mon Dieu ! quels visages horribles, quels rires hideux ! J’ai peur, très peur. « Des bonbons ou la mort » crient les monstres ! Ma main tremble en puisant les chocolats dans la boîte. Je donne une poignée, deux poignées. « Encore, encore » hurlent les affreux. Je vide la boîte et leurs rictus se transforment enfin en joyeux rires d’enfants qui s’encourent en agitant leurs longs tabliers noirs.

Ouf, je suis vivant. Mais pour combien de temps ? Il me semble encore entendre des cris dans le quartier.

Quand est-ce que tu arrêtes ?

Avec la réforme des retraites en France, on me pose cette question dix fois par jour. Il est vrai que j’arrive à un âge où bon nombre de mes amis sont pré-pensionnés ou pensionnés. Tous ont désormais des activités et des loisirs pendant les heures de travail et il m’est difficile de les partager avec eux. « Arrête donc » me disent-ils.

Se rendent-ils compte de ce qu’ils me demandent ? « Arrêter », ça veut dire « finir». Je n’ai pas envie de finir, j’ai juste envie du contraire : continuer.

Alors désolé, Pierre, je ne pourrai pas jouer au tennis ce matin. Excuse-moi, Gérard, mais je ne serai pas libre pour déjeuner avec toi ce midi. Ne compte pas sur moi, Marie-Thérèse, pour garder le petit cet après-midi. Non, Francis, je ne passerai pas pour l’apéro à 18h00. C’est gentil, Bill et Françoise, mais je ne vous accompagnerai pas au concert, ce soir.

Je suis écrasé de travail, ne me plaignez pas, j’adore ça.

Mais bien sûr que si, ils doivent être jugés

Mgr Léonard, pourquoi vous entêtez-vous ? Pourquoi défendez-vous l’indéfendable ? Pourquoi ne faites-vous pas preuve de charité chrétienne : celle qui défend l’opprimé, pas l’oppresseur. Ce n’est quand même pas possible d’être aussi aveugle.

Des enfants ont été vi-o-lés, vous comprenez ? C’est-à-dire souillés, cassés, bousillés. Et vous, vous dites qu’il ne faut pas clouer « au pilori » les abuseurs qui sont aujourd’hui trop âgés. Quoi ? Ont-ils épargné leurs victimes parce qu’elles étaient « trop jeunes » ?

Et puis qui parle de pilori, de vindicte ? On parle de pédophilie, Mgr Léonard : de violence, de torture, de crime, de victimes. De justice. Devant laquelle tout citoyen est égal. Que le coupable soit prêtre, vieux et désormais inoffensif n’y change rien. Il doit être jugé tout simplement. Par la justice des hommes. Parce que le jugement dernier, avec des lobbyistes comme vous, on n’est pas sûr qu’il sera impartial.

http://www.rtbf.be/info/belgique/religion/question-a-la-une-et-la-pedophilie-…

L’écrire, c’est bien. Le dire, c’est mieux.

Dans l’excellent roman « Terres Saintes » d’Amanda Sthers, une famille explosée ne se parle plus que par lettres ou mails interposés. Textes drôles, phrases grinçantes, humour triste, aveux poignants, appels vains. Mots silencieux, gestes manqués, gorges nouées, vies négligées, sentiments loupés, bonheurs gâchés… ce que l’on écrit sur le papier ou sur l’écran n’aura jamais la force de ce que l’on dit dans les yeux.

Ne remettons pas à demain ce qui peut être dit aujourd’hui.

http://livre.fnac.com/a2833781/Amanda-Sthers-Les-terres-saintes

Pas le courage

Dimanche, mon petit-fils, 3 ans et demi, était à la maison. Un petit dynamique qui n’arrête pas de demander toutes les 3 secondes « Et maintenant qu’est-ce qu’on fait, papi ? ». Lego, puzzle, camion de pompier, tracteur, dessin … à 10h00, on dirait qu’on a jeté une grenade dans le living, j’ai déjà épuisé à peu près toutes les possibilités d’activités. Il faut dire que la pile électrique est allumée depuis 7h00. « Et si on allait se balader ? » En avant pour une petite heure dans le village. Au retour, le moteur tourne toujours à plein régime. « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait, papi ? Et si on travaillait ? »  Génial: vive l’aspirateur à l’étage, les torchons dans la cuisine et les râteaux à feuilles dans le jardin…

Midi, on s’assied enfin pour lire une BD. Je lui demande d’aller chercher celle qu’il préfère dans son armoire. Il me répond « J’ai pas le courage ». Et saute aussitôt sur son vélo à 3 roues.

J’aimerais « ne pas avoir de courage » comme lui.

 

En Belgique, il y a 700 bières et BHV

Le surréalisme belge est décidément indestructible. Malgré la grisaille du climat, les pénibles résultats des Diables Rouges, les grèves à répétitions des TEC, le foutoir politique, le Belge garde son sens de l’humour. Même BHV n’a pas réussi à lui bousiller le moral. Au contraire.Un couple de Binchois vient de donner ce nom maudit à une nouvelle bière.

Il existe en Belgique environ 700 bières, il faut être fou pour en lancer une nouvelle et espérer faire un succès. Les époux Marq sont fous. Ils vont donc réussir. Ils sont fous dans le sens « créatifs ».

BHV est le chagrin des Belges ? Nous allons le transformer en plaisir, ont-ils décidé. Notre bière portera ces initiales, pour Binche-Haulchin-Vellereille, 3 communes du Hainaut. Rien d’étonnant à ce qu’un grain de folie naisse sur cette terre : chacun sait qu’elle est bénie des dieux surréalistes. Il y a près d’un siècle, en effet, lutte sociale et combat poétique s’y confondaient dans une même quête de liberté. Les habitants de ces régions ont toujours eu l’esprit frondeur et moqueur. Et le coude prêt à célébrer l’amitié et la solidarité.

Ils le prouvent une fois de plus, en apportant un peu de fraîcheur dans le bazar communautaire. L’étiquette BHV arbore les couleurs nationales, le produit a été offert en dégustation aux responsables politiques, les promotions encouragent les consommateurs à l’offrir en cadeau à leurs compatriotes quelle que soit leur langue.

Enfin, un peu de bon marketing politique.

 http://www.azygma.be/2010/09/et-voici-la-biere-bhv/

Rêves en grève

Des lycéens dans la rue contre la réforme des retraites, ça me dépasse. Des travailleurs ou des chômeurs, je comprends. Mais des étudiants, ça me sidère. Bien sûr, ils n’ont pas un président formidable. Bien sûr, ils vivent dans une société peu exaltante. Bien sûr, l’avenir n’est pas tout rose. Mais à 16 ans, déjà penser à la retraite alors que la vie professionnelle n’a même pas encore commencé ! 

 J’ai vu, à la télévision, un jeune homme tenter de forcer un piquet de grève et dire, les larmes aux yeux: « À mon âge, je ne pense pas à faire ma retraite, je pense à faire ma vie ».

Faites comme lui, quittez donc la rue, retournez en classe, étudiez, devenez intelligents, ayez des idées, ne suivez ni les cons ni les salauds. Et rêvez, bordel !

http://www.slate.fr/grand-format/slogan-manifestations-paris-toulouse-28933

Dans la lune

10h15 ce matin, quai de la gare du Midi. Le Thalys pour Paris est annoncé avec 20 minutes de retard. Pour tuer le temps, j’observe les gens.

J’ai l’attention attirée par une dame qui se dirige à pas rapides tantôt vers l’avant, tantôt vers l’arrière du quai. Je souris en regardant son mari, un petit monsieur arborant une moustache à la Tournesol et portant un veston étriqué et boutonné sur un pull jacquard, essayer de la suivre. Il tient des tickets dans une main et des valises dans l’autre. Pas facile de se faufiler parmi les voyageurs sur le quai. Surtout avec sa femme qui change constamment de direction. Elle semble perdue. Mais il n’a pas l’air de s’en inquiéter. Au contraire, il est absent. Ailleurs. Distrait. Sa femme le houspille un peu d’ailleurs. Mais à quoi bon s’énerver, il sera toujours temps de voir où l’on doit aller quand le train sera là, semble-t-il lui répondre. À son accent rocailleux, je le reconnais ! Ce distrait est démasqué : ce n’est pas un voyageur comme les autres, mais un immense aventurier, incognito sur ce quai.

Cet explorateur a, en effet, accompli des milliers – que dis-je des centaines de milliers – de kilomètres. En mars 1992, il embarquait avec 6 astronautes américains à bord de la navette spatiale Atlantis. Oui, ce petit – pardon ce grand – homme n’est autre que Dirk Frimout. Il n’a pas les pieds sur ce quai de gare. Il plane. Il est dans la lune, la tête dans les étoiles. Nous sommes plusieurs à l’avoir reconnu et à lui sourire, il atterrit alors et nous sourit à son tour.

J’ai sifflé toute la journée: « Capitaaaiiine Flamme tu n’es paaas de notre galaxiiiie ».

 

ab1to j’tapLdkej’pe

Plus de 6000 milliards de SMS ont été envoyés dans le monde en 2010 soit près de 200 000 par seconde. Pour dire quoi ? J te kif,  je t’m, c ki, c koi, c tro, lol… bref pour écrire des choses incompréhensibles sur un écran de téléphone. On vit vraiment dans une époque de n’importe quoi. Nos outils sont formidables, mais nous ne savons pas les utiliser. Enfin quand je dis nous, je devrais plutôt dire moi : j’ai essayé d’étudier le dictionnaire-sms mais, rien à faire, je n’y arrive pas. Je n’ajouterai donc pas de texto à l’énorme trafic actuel et je continuerai à utiliser mon GSM comme un ringard. En parlant dedans. Beaucoup et longtemps. Merci d’avance à tous mes amis pour leur patience.

http://www.dictionnaire-sms.com/

Pourquoi pas Keith après Bart ?

« On frappe à la porte. Je regarde par la fenêtre et je vois plein de nains dehors … ». Non, ce n’est pas une citation de Bart De Wever qualifiant les partis francophones mais bien un extrait de « Life », les mémoires de Keith Richards qui sortiront en librairie très prochainement. Complètement défoncé après une nuit à l’acide, le Rolling Stone avait, en effet, pris des policiers pour des nains de jardin.

Dans ce livre, le même Keith Richards appelle souvent Mick Jagger, qu’il trouve insupportable, « votre majesté ». Est-ce que De Wever, lui, quand il rencontre le roi de notre pays qu’il trouve insupportable, l’appelle « Mick » ? Et quand il prend sa plume pour coucher ses états d’âme et délirer sur ses rapports, est-ce qu’il absorbe aussi des stimulants artificiels ?

Moi, ça ne me déplairait pas que le ténor de la N-VA laisse sa place au guitariste fou. On n’y gagnerait sans doute pas en clarification, mais ça nous ferait des vacances à tous, un peu de rock’n’roll.

http://www.lesoir.be/culture/musiques/2010-10-16/mick-jagger-insupportable-se…