Les pieds dans le ruisseau, le nez dans un bouquin, la tête dans les nuages.
Cette fois, c’était dans les brumes épaisses et mystérieuses qui flottent sur la montagne sacrée Runani. Il s’y passe des choses étranges.
C’est sur son sommet que pendant la terrible sécheresse qui écrasa le Rwanda durant la dernière guerre mondiale, Kibogo le fils d’un roi local fut frappé par la foudre. La pluie se remit alors à tomber et sauva le pays de la misère et de la famine. Le soir dans les enclos familiaux, les vieux racontent que la mort de Kibogo n’est pas un accident mais un sacrifice. Le mont Runani devient alors un lieu de rites païens qui sera vite interdit par les padri, les pères blancs missionnaires. Non, Kibogo n’est pas monté au ciel pour accomplir des miracles, seul Yézu, comme le raconte la Bible, le Livre de la Vérité, est capable de ce genre de miracle.
Ce beau roman Kibogo est monté au ciel (éd. Gallimard) de Scholastique Mukasonga* raconte avec verve et humour, les chocs et résistances entre l’évangélisation chrétienne amenée par la colonisation belge et les croyances et traditions ancestrales du peuple rwandais. Un récit souvent drôle, une écriture poétique mais une histoire grave particulièrement interpellante en cette actualité de réflexion sur notre passé colonial.
* Dans un entretien à www.lemonde.fr accordé en septembre 2019, Scholastique Mukasonga avait confié : « Il fallait que j’écrive, comme Primo Levi, pour sauvegarder l’histoire de mes proches. Mes livres sont leurs sépultures, leurs tombeaux de papier. »