La plus belle photo de ce dimanche, c’est celle que je n’ai pas prise.
Je roulais sur une petite route du Hainaut dans la brume matinale. Rien que moi dans la sublime campagne ouatée de bleu turquoise. Mon GPS m’a orienté, ou plutôt désorienté, sur ce parcours de traverse en direction du bled où mon petit Cyril va jouer un tournoi de foot.
Soudain à une cinquantaine de mètres devant moi, une élégante silhouette sur la chaussée. Je ralentis et là, telle une ballerine, une jeune biche gambade vers moi. Je pense d’abord à saisir mon smartphone pour la photographier et « prouver » ainsi que je n’ai pas rêvé et puis… zut, si c’est un rêve profitons-en, prouver quoi à qui en fait ? Je photographie, filme et imprime avec mes yeux pour graver l’instant dans l’album de ma mémoire. La belle biche s’arrête, me salue et hop, bondit dans les buissons du talus.
J’ai repensé alors à la sublime phrase de Sylvain Tesson dans son dernier livre Avec les fées (éd. des Équateurs) : « Le merveilleux jaillit sans s’annoncer. Il sourd du ciel, de l’eau, de la terre ou d’un visage. C’est un clignement. On le cherche, il se refuse ; on le veut saisir, il a disparu ».